Comment fonctionne la procédure devant le conseil de discipline ?

Dans la fonction publique, les procédures disciplinaires lancées par les employeurs publics contre les fonctionnaires sont nombreuses et visent à les sanctionner pour des manquements à leurs obligations. Le conseil de discipline, organe paritaire, joue un rôle central dans la plupart des poursuites diligentées contre l’agent. Aussi, il est nécessaire de rappeler l’objet du conseil de discipline, son déroulement et les droits donnés au fonctionnaire pour se défendre.

 

Les fonctionnaires, à l’instar des salariés du privé, sont soumis à l’autorité disciplinaire de leur employeur.

Dans ce cadre, pèsent sur les fonctionnaires un certain nombre d’obligations précisément définies aux articles L. 121-1 et suivants du code général de la fonction publique (impartialité, neutralité, obéissance, etc.).

Mais cette liste n’est pas exhaustive. En effet, l’article L. 530-1 du même code prévoit que « toute faute » du fonctionnaire l’expose à des sanctions.

Ainsi, les obligations du fonctionnaire et ses éventuelles fautes pouvant donner lieu à une procédure disciplinaire ne connaissent pas de liste exhaustive, ce qui ne rend pas toujours aisé la détermination de la qualification d’un comportement.

Cela donne régulièrement lieu à des débats quant à ce qui peut constituer une faute ou non pour le fonctionnaire (le Conseil d’Etat a, par exemple, été amené à préciser qu’une relation adultère avec le conjoint de l’un de ses collègues n’était pas une faute disciplinaire : CE. SSR. 15 juin 2005, n° 261691, publiée au Recueil).

Dans l’hypothèse où l’employeur public du fonctionnaire souhaite le sanctionner, il n’est pas nécessairement libre de le faire sans l’intervention du conseil de discipline.

Ce conseil, qui est une émanation de la commission administrative paritaire, est central dans le cadre des procédures disciplinaires dans la fonction publique.

Aussi, pour mieux comprendre ses enjeux et son utilité, il est nécessaire d’aborder trois sujets distincts :

  • Quel est l’objet du conseil de discipline ? En effet, le conseil de discipline n’est pas saisi dans toutes les procédures disciplinaires et ses pouvoirs sont encadrés par les textes.

  • Comment se déroule un conseil de discipline ? La procédure devant le conseil est codifiée et il est opportun de la comprendre avant de s’y rendre.

  • Quels-sont les droits de l’agent devant le conseil de discipline ? Le fonctionnaire dispose d’un certain nombre de droits à l’occasion de ce conseil, qu’il a tout intérêt à utiliser pour éviter une sanction ou l’alléger au maximum.

Il faut donc répondre à ces trois questions pour savoir ce qu’il convient de faire en cas de saisine du conseil de discipline par son employeur public.

I. Quel est l’objet du conseil de discipline ?

Il faut, là encore, répondre à plusieurs questions pour comprendre son objet et son intérêt.

  • Quelle est la fonction du conseil de discipline ?

Le conseil de discipline n’est pas un organe de décision. Il a pour fonction de rendre un avis à l’employeur public qui reste libre de suivre ou non cet avis (article L. 532-1 du même code).

En effet, ce dernier mène la procédure disciplinaire et y met en terme en sanctionnant ou en ne sanctionnant pas, sous sa responsabilité, l’agent.

Néanmoins, dans la pratique, le conseil de discipline est important car, dans la plupart des cas, il est suivi par l’employeur public.

Plus précisément, si l’avis du conseil n’est pas suivi, par exemple en infligeant une sanction plus sévère que celle retenue par le conseil de discipline, la « proportionnalité » de la sanction sera souvent difficile à défendre devant le juge administratif. Il en va de même si le conseil de discipline considère que les accusations portées à l’encontre du fonctionnaire ne sont pas établies.

D’ailleurs, certaines juridictions ont considéré que dans l’hypothèse où l’administration s’écarte de l’avis du conseil de discipline, elle doit motiver son choix de ne pas suivre cet avis (ex : CAA Nantes, 29 avril 2004, n° 01NT02239 ; CAA Nancy, 1er février 2007, n°06NC00485 ; CAA Marseille, 21 octobre 2014, n° 14MA00200[1]).

Cependant, le conseil de discipline ne rend pas toujours un avis sur les faits reprochés et la sanction.

En effet, le conseil de discipline a plusieurs options :

  • Rendre un avis (pas de sanction / sanction et nature de cette sanction).

  • Ne pas rendre d’avis lorsqu’aucune majorité n’est dégagée. En effet, il s’agit d’un organe paritaire qui peut ne parvenir à aucune majorité.

  • Demander un complément d’enquête administrative.

Lorsqu’il rend un avis, celui-ci doit être motivé et détaillé (article L. 532-5 du code général de la fonction publique) afin de permettre à l’agent et à l’employeur public de comprendre les raisons pour lesquelles il propose telle ou telle solution.

Dans ces conditions, le conseil de discipline est fondamental pour le fonctionnaire car, même si l’employeur public n’est pas obligé de suivre son avis, il le fera généralement et cet avis sera nécessairement regardé avec attention par le juge en cas de recours.

  • Quand le conseil de discipline est-il saisi ?

Deux remarques doivent être faites sur le moment de la saisine du conseil de discipline :

● Le conseil de discipline n’est pas systématiquement saisi lorsqu’une procédure disciplinaire est lancée contre un fonctionnaire.

En effet, il ne l’est obligatoirement que lorsque des sanctions des deuxième[2], troisième[3] et quatrième[4] groupes sont envisagées (article L. 532-5 du code général de la fonction publique).

Autrement dit, il n’est pas nécessaire de consulter le conseil de discipline pour : l’avertissement, le blâme et l’exclusion de 3 jours.

Mais pour toutes les autres sanctions, le conseil de discipline doit être obligatoirement saisi.

● L’administration ne dispose pas de délai précis pour saisir le conseil de discipline lorsqu’elle lance une procédure disciplinaire.

Néanmoins, lorsque le fonctionnaire est suspendu (voir sur ce point l’article La suspension dans la fonction publique métropolitaine), le conseil de discipline doit être saisi « sans délai » par l’administration (article L. 531-1 du même code).

Ce qualificatif ne brille donc pas par sa clarté. Mais il est certain que l’administration a intérêt, lorsque l’agent est suspendu de ses fonctions, à ne pas tarder à saisir le conseil de discipline.

En effet, dans cette hypothèse, la situation de l’agent doit en principe être réglée dans un délai de 4 mois. Dans ces conditions, il préférable pour l’administration de ne pas tarder à saisir le conseil de discipline.

En dehors de cette hypothèse, l’administration ne dispose d’aucun délai particulier pour saisir le conseil de discipline, si ce n’est le délai de prescription de 3 ans de l’action disciplinaire (article L532-2 du même code).

Néanmoins, et là encore, dans la pratique, l’administration n’a aucun intérêt à tarder, même lorsque le fonctionnaire n’est pas suspendu, pour saisir le conseil de discipline.

II. Comment se déroule un conseil de discipline ?

Il faut ici aborder deux points importants que sont la composition et le fonctionnement du conseil de discipline. D’autant qu’il existe des variations non négligeables entre les fonctions publiques.

  • La composition du conseil de discipline

Comme indiqué précédemment, le conseil de discipline est un organisme « paritaire ».

Autrement dit, il doit contenir autant de représentants de l’administration que de représentants des syndicats.

Cette structure est la même dans les trois fonctions publiques (de l’Etat, territoriale et hospitalière). Néanmoins, et en réalité, il existe des variations avec deux modèles distincts :

Le modèle abouti de la fonction publique territoriale :

Dans la fonction publique territoriale, la composition du conseil de discipline apparaît la plus aboutie en raison de la composition de ce conseil.

En effet, il a les caractéristiques suivantes :

  • Le conseil de discipline est mutualisé au niveau du centre de gestion. Ainsi, les représentants des « collectivités territoriales » et des « agents » ne sont pas ceux de la collectivité (commune, département ou région) en elle-même mais ceux désignés au sein de l’ensemble des collectivités territoriales affiliées au centre de gestion.

Cette organisation a pour intérêt de dépassionner les débats et de les extraire des querelles locales.

  • Le conseil est présidé par un magistrat administratif (article 1er du décret n°89-677 du 18 septembre 1989). La présence d’un magistrat a un double intérêt :

D’une part, il connaît le droit et est donc susceptible d’éclairer le conseil de discipline sur les solutions retenues par la jurisprudence.

D’autre part, et surtout, cette présidence par un tiers – magistrat – permet d’assurer une réelle parité à la différence des autres fonctions publiques comme cela sera vu ci-dessous. En effet, le magistrat n’a pas d’a priori en faveur de la collectivité ou de l’agent.

Le conseil donne ainsi une véritable efficacité à la procédure disciplinaire en rendant plus « objectif » l’avis qui est rendu.

Une composition discutable dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique hospitalière :

Dans les deux autres fonctions publiques, la composition des conseils de discipline est plus discutable car leur caractère « paritaire » n’est pas réellement garanti et leur efficacité moindre.

Tout d’abord, les représentants de l’administration et du personnel sont ceux de cette administration spécifique. Ce qui a pour conséquence que les représentants de l’administration sont souvent peu ouverts à discuter les faits qui leurs sont soumis.

En effet, les poursuites étant engagées par leurs propres services, ils sont, par principe, très peu enclins à avoir un avis différent de leurs collègues.

Le débat y est donc plus difficile.

Ensuite, la présidence du conseil de discipline est assurée par un membre de l’administration.

Aussi, la « parité » est plus discutable dans la mesure où c’est une personne qui appartient à la hiérarchie de l’administration (et non une personne extérieure comme dans la fonction publique territoriale) qui préside.

Dans ces conditions, le président n’est pas toujours réellement autonome de ses services.

Enfin, le maintien de l’affaire en interne a parfois pour conséquence de faire émerger des débats entre les représentants de la hiérarchie et les représentants des agents (qui se connaissent) étrangers au dossier de l’agent puisque ces mêmes personnes s’affrontent sur d’autres sujets.

Ainsi, la composition du conseil de discipline dans les fonctions publiques de l’Etat et des établissements hospitaliers conduit à des débats généralement plus crispés et moins utiles que dans la fonction publique territoriale.

  • Le déroulement d’un conseil de discipline

Dans les trois fonctions publiques, la procédure disciplinaire est identique.

En effet, le conseil de discipline est saisi par un rapport établi par l’employeur public (articles L. 532-7 et L. 532-13 du code général de la fonction publique et article 2 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984).

Ce rapport doit être précis quant aux accusations portées à l’encontre du fonctionnaire car les faits qui n’y sont pas relatés sont hors du champ de la saisine et ne peuvent motiver la sanction finalement prise.

Il est communiqué à l’agent qui doit être convoqué au moins 15 jours avant la réunion du conseil de discipline.

Lors de la réunion du conseil de discipline, les débats se déroulent comme suit :

  • Lecture du rapport de saisine.

  • Lecture de l’éventuel mémoire produit par le fonctionnaire. Cette étape n’est pas toujours respectée scrupuleusement en pratique puisque certains conseils de discipline s’en remettent aux représentants de l’agent poursuivi pour sa défense (avocat, etc.).

  • L’agent et ses éventuels représentants (avocat, etc.) sont ensuite invités à prendre la parole.

  • Des questions sont très généralement posées au fonctionnaire et à l’administration par le président et les membres du conseil. Cela leur permet de comprendre précisément les versions de chacune des deux parties.

  • Lorsque des témoins sont convoqués par l’administration ou l’agent, ils sont entendus par le conseil de discipline en présence de l’administration et du fonctionnaire poursuivi.

  • Au terme des échanges, l’agents et ses représentants (avocat, etc.) sont appelés à faire éventuellement d’ultimes observations.

A l’issue de ces échanges, le conseil de discipline se retire pour délibérer et rendre son avis qui est donné oralement à l’agent, à son avocat et à l’administration.

Cet avis est enfin formalisé de manière écrite avant d’être adressé au fonctionnaire et à son administration.

III. Quels sont les droits de l’agent devant le conseil de discipline ?

L’agent poursuivi dans le cadre d’une procédure disciplinaire devant le conseil dispose de différents droits pour assurer sa défense.

  • Avoir des défenseurs

Le fonctionnaire poursuivi devant le conseil de discipline a droit à des défenseurs de son choix (article L. 532-4 du code général de la fonction publique).

Ainsi, en principe, l’agent peut prendre tout défenseur de son choix et n’est pas limité dans le nombre de défenseurs qu’il choisit.

En pratique, néanmoins, les défenseurs du fonctionnaire sont généralement un avocat et/ou le membre d’un syndicat.

Il est préférable d’avoir recours à ces deux types de défenseurs cumulativement car chacun d’eux (l’avocat et le membre d’un syndicat) a une expérience différente et complémentaire. Ils s’appuient donc sur des arguments différents qui peuvent tous deux être utiles à la défense de l’agent.

  • Obtenir communication de son dossier

Le fonctionnaire poursuivi a droit à la communication de son dossier intégral (article L. 532-4 précité).

Cette communication peut être faite au fonctionnaire lui-même, son avocat, ou un autre représentant auquel il a donné mandat.

Ce droit n’est en réalité qu’un rappel dans la mesure où un agent public a le droit de demander à tout moment la communication de son dossier au cours de sa carrière.

Néanmoins, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, ce droit présente un intérêt particulier puisqu’il est opportun que l’agent sache ce qui a été mis à son dossier sans qu’il en soit nécessairement informé. C’est la raison pour laquelle ce droit doit être rappelé par écrit à l’agent.

Cette communication doit être faite dans « délai suffisant » pour lui permettre de préparer sa défense.

Ainsi, il n’existe pas de délai précis et opposable pour communiquer son dossier au fonctionnaire qui fait l’objet d’une poursuite disciplinaire.

Et la jurisprudence n’est pas très favorable sur ce point au fonctionnaire car elle considère parfois que des délais très brefs sont suffisants (pour des affaires simples).

Aussi, dès le lancement de la procédure disciplinaire, l’agent ou son avocat a intérêt à demander la communication de son dossier.

  • Obtenir communication du rapport de saisine

Le rapport de saisine du conseil de discipline (et ses annexes) – qui est l’acte par lequel l’administration dresse la liste des reproches à l’encontre du fonctionnaire et justifie sa position – doit être communiqué dans les mêmes conditions que son dossier à l’agent (article 5 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ; article 6 du décret n°89-822 du 7 novembre 1989[5]).

C’est, en réalité, le document le plus important puisqu’il contient les faits que l’employeur public accuse son agent d’avoir commis.

C’est également ce document qui devra être étudié avec attention et contesté par les défenseurs du fonctionnaire (avocat et/ou représentant syndical) pour démontrer ses contradictions et inexactitudes.

  • Présenter des observations

Comme cela a été indiqué plus haut, l’agent a le droit de faire valoir par lui-même, son avocat ou son représentant syndical des observations orales lors de conseil de discipline.

Néanmoins, il est opportun de présenter également, et préalablement, des observations écrites.

En effet, cela permettra d’avoir un support dont les membres du conseil de discipline auront déjà pris connaissance. Mais surtout, les observations écrites de son avocat permettront au fonctionnaire de contester point par point le rapport et de produire des pièces.

S’agissant des pièces, il est effectivement opportun d’en joindre aux observations tels que des témoignages de collègues ou d’usagers, ainsi que toute autre pièce de nature à démontrer que les accusations ne sont pas fondées.

Ces pièces peuvent être remises le jour du conseil de discipline, mais là encore, il est souvent préférable que les membres du conseil de discipline les aient déjà sous les yeux.

  • Faire entendre des témoins

Lors du conseil de discipline, le fonctionnaire peut également faire entendre des témoins (article L. 532-10 du code général de la fonction publique).

Souvent, l’agent et son avocat se bornent à produire des témoignages écrits mais il est également possible de faire se déplacer des témoins devant le conseil de discipline.

Bien entendu, les témoins ne peuvent être contraints de se présenter par l’agent. Il ne peut donc s’agir que de personnes qui ont accepté d’être présents pour témoigner en faveur de l’agent.

En conclusion, la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline est clairement codifiée et formalisée.

Bien qu’elle permette au fonctionnaire de se défendre contre les accusations de son administration, il est important qu’il soit accompagné par un défenseur (qu’il s’agisse d’un avocat ou du membre d’un syndicat).

En effet, l’analyse minutieuse du dossier préparé par l’administration peut permettre à un professionnel de mettre en lumière les inexactitudes contenues dans le rapport de son administration et, ainsi, éviter une sanction.

Mai 2022

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[1] Mais cette position n’est pas unanime (voir, a contrario : CAA Lyon, 20 mars 2012, n° 11LY02275).

[2] Radiation du tableau d’avance, abaissement d’échelon, exclusion de 4 à 15 jours, déplacement d’office (2° de l’article L. 533-1 du code général de la fonction publique).

[3] Rétrogradation, exclusion de 16 jours à 2 ans (3° de l’article L. 533-1 du code général de la fonction publique).

[4] Mise à la retraite d’office, radiation (4° de l’article L. 533-1 du code général de la fonction publique).

[5] Concernant les fonctionnaires de l’Etat, le décret ne prévoit pas expressément la communication de ce rapport. Néanmoins, cette obligation s’impose également, l’agent devant en tout état de cause être informé des griefs dont il est accusé sur le fondement des principes généraux du droit (CE. Sect. 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier, n° 69751, publiée au Recueil).

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