L’articulation complexe entre admissions en master, parcours et sélection

Le 10/07/2022

Par un avis n° 449272 du 8 décembre 2021, le Conseil d’Etat apporte un début de réponse à l’articulation entre l’entrée en master 2 « de droit » et les hypothèses, fréquentes, dans lesquelles les masters sont divisés en différents parcours, généralement plus spécialisés en master 2.

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Dans de telles hypothèses, les universités en profitent parfois pour effectuer une seconde sélection entre le master 1 et le master 2, alors que les étudiants ont déjà été sélectionnés à l’entrée en master 1, ce qui est interdit par l’article L. 612-6-1 du code de l’éducation.

Le tribunal administratif de Lyon, se trouvant face à une question inédite en lien avec cette situation, a soumis un certain nombre d’interrogations au Conseil d’Etat comme le permet le code de justice administrative afin que ce dernier tranche ces points, susceptibles de se poser dans de nombreux litiges.

La situation que le tribunal administratif de Lyon avait à trancher était la suivante :

Un étudiant admis (après sélection) en master 1 « psychopathologie clinique psychanalytique » avait candidaté à différents parcours en master 2, le master étant subdivisé pour la seconde année en différents parcours.

Il a alors été admis dans l’un des parcours mais refusé en master 2 « psychopathologie clinique psychanalytique », parcours « psychologies et psychopathologies cliniques ».

Pourtant, seul ce parcours permettait d’obtenir le titre de psychologue après l’obtention du master. Il a donc formé un recours contre le refus d’admission en master 2 qui lui était opposé.

Aussi, le tribunal s’interrogeait sur différentes questions (sans doute soulevées par l’étudiant ou son avocat) :

  • Un même master peut-il être divisé en différents parcours et, si oui, constituent-ils des mentions différentes ?

  • L’université peut-elle orienter elle-même, sans tenir compte de leurs vœux, les étudiants entre les différents parcours de master 2 si elle a déjà sélectionné les étudiants à l’entrée en master 1 ?

  • Quelle est l’incidence de la circonstance qu’un seul parcours du master 2 permet d’obtenir un titre professionnel ?

  • Comment l’éventuelle sélection doit être mise en œuvre ?

En réponse à ces questions, le Conseil d’Etat apporte des précisions, à la fois sur la structure des diplômes, et sur la sélection et les admissions en master 1 et 2.

En premier lieu, le Conseil d’Etat confirme que les parcours d’un même diplôme conduisent à la délivrance du même diplôme et de la même mention.

Ainsi, il rappelle que les parcours n’ont pas d’impact sur les différentes mentions des masters, qui sont les seules à avoir une influence sur l’intitulé du diplôme finalement délivré.

En deuxième lieu, il précise que les parcours « peuvent […] concerner spécifiquement la deuxième année du deuxième cycle ».

Ainsi, il tranche une question qui n’allait pas de soi en permettant aux universités de créer des parcours uniquement pour le master 2, ou de prévoir des parcours différents pour le master 1 et le master 2 (avec généralement une plus grande spécialisation en master 2).

Cette possibilité de parcours différents ou seulement créés en master 2 n’allait effectivement pas de soi. En effet, elle paraît contraire à l’article D. 612-36-1 du code de l'éducation qui prévoit que « Les parcours types de formation visant à l'acquisition du diplôme de master sont organisés sur deux années. ».

A la lecture de cet article, il aurait donc paru logique que les parcours soient « organisés sur deux années ». Certes, il n’est pas indiqué que ces parcours doivent être identiques en master 1 et master 2 mais l’esprit du texte semblait être celui-ci.

Ce n’est cependant pas la solution que retient le Conseil d’Etat. Il considère que les parcours peuvent différer en master 1 et master 2, voire ne concerner que le master 2.

En troisième lieu, il répond à la question centrale posée par le tribunal administratif de Lyon, à savoir comment articuler ces parcours avec la procédure de sélection lorsque seul l’un des parcours du master 2 permet d’obtenir un titre professionnel ultérieur.

Il considère que, dans cette hypothèse (et en présence d’une sélection à l’entrée en master 1, ce qui est désormais le principe – voir l’article L’entrée en master 1 peut désormais être, légalement, sélective), deux solutions peuvent se présenter :

  • Si l’université n’a pas créé le parcours en question dès le master 1 (et n’a donc pas sélectionné les étudiants pour l’entrée dans ce parcours spécifique en master 1), elle est tenue de permettre à tous les étudiants du master 1 d’entrer dans ce parcours en master 2.

  • Si l’université a sélectionné, dès l’entrée en master 1, les étudiants pour ce parcours particulier, alors elle est fondée à refuser les étudiants des autres parcours à l’entrée en master 2.

Cette précision est donc importante. Elle signifie que si l’université décide, pour le master 1, de ne pas créer de parcours, elle devra permettre à tous les étudiants de master 1 d’entrer, en master 2, dans le parcours qui permet d’obtenir le titre professionnel attaché à ce diplôme.

Ce point est donc particulièrement important en master de psychologie, diplôme pour lequel de très nombreuses demandes sont faites et pour lequel tous les parcours ne permettent pas de devenir psychologue.

Néanmoins, ce raisonnement général est voué à s’appliquer dans tous les masters, et pas uniquement en psychologie.

Ce point est donc susceptible d’éclairer les recours formés par les étudiants et leurs avocats contre les refus d’admission en master dans de nombreuses hypothèses.

En quatrième lieu, cependant, un point n’est pas tranché dans cet avis par le Conseil d’Etat parce qu’il ne lui était pas soumis.

En effet, le Conseil d’Etat apporte les précisions nécessaires dans l’hypothèse où un diplôme permet d’obtenir spécifiquement un titre professionnel. En revanche, il reste muet sur l’hypothèse (fréquente) où aucun titre professionnel n’est à la clef mais où des parcours ont été introduits seulement en master 2 (ou diffèrent de ceux du master 1).

Il n’explique pas comment, dans ce cas, les élèves déjà sélectionnés à l’entrée en master 1, devront être répartis à l’entrée en master 2. Or, c’est dans ce type d’hypothèses que les recours sont les plus nombreux.

Dans ce cas, trois solutions sont envisageables :

  • Tout d’abord, faire une nouvelle sélection pour déterminer si les étudiants peuvent accéder à l’un ou l’autre des parcours en master 2, au terme de laquelle certains étudiants seraient purement et simplement refusés à l’accès au master 2. Mais cette solution paraît frontalement contraire à l’article L. 612-6-1 du code de l’éducation qui exclut une double sélection.

  • Ensuite, laisser les étudiants entièrement libres du choix des parcours en master 2. Cette solution aurait pour intérêt d’être parfaitement conforme au texte, même s’il est probable qu’elle rencontre l’ire des universités.

  • Enfin, une solution intermédiaire pourrait être de permettre une sélection des étudiants pour les différents parcours de master 2, mais en imposant à l’université d’inscrire – quoi qu’il arrive – ses étudiants de master 1 dans l’un des parcours de master 2.

Il est dommage que le Conseil d’Etat n’ait pas tranché cette question car elle est en pratique importante. Il apparaît probable, s’il en était saisi, qu’il choisirait entre la deuxième et la troisième solution présentée ci-dessus mais il n’en demeure pas moins qu’il aurait été utile (même par un obiter dictum) qu’il tranche cette question.