Dans un arrêt n° 16BX01356 du 25 avril 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a eu l’occasion de se prononcer sur une action en responsabilité intentée par les parents d’enfants scolarisés dans des classes bilingues à parité horaire français-basque. Ces derniers se plaignaient qu’à la suite d’absences d’une professeure en langue basque, certains de ses cours avaient été remplacés par des cours en français, de sorte que la parité horaire n’était pas respectée.
Ce litige donne donc l’occasion à la cour de clarifier les obligations incombant au rectorat en matière d’enseignement en langue régionale.
En effet, l’arrêté du 12 mai 2003 donne la possibilité au rectorat de mettre en place un enseignement bilingue en langue régionale à parité horaire dans les établissements scolaires publics. L’article 2 de cet arrêté précise bien que l’enseignement est alors dispensé pour moitié en langue régionale et pour moitié en français.
La question qu’avait à trancher la cour était de savoir quelle portée donner à cet article imposant une parité horaire d’enseignement en cas d’absence de professeurs.
Sa réponse de principe est que cet article n’impose pas davantage que les obligations générales qui s’appliquent à tous les enseignements primaires et élémentaires, à savoir qu’en cas d’absence imprévisible du professeur et d’impossibilité de le remplacer, les élèves doivent bénéficier d’un service d’accueil gratuit (article L. 133-1 du code de l’éducation).
Autrement dit, en première lecture, l’on pourrait déduire de cet arrêt que le principe de parité horaire n’est pas une obligation pour le rectorat.
Mais une telle position paraîtrait excessive dans la mesure où elle reviendrait à refuser à l’article 2 de l’arrêté du 12 mai 2003 tout caractère obligatoire alors que sa rédaction – au présent de l’indicatif – ne laisse pas de doute sur sa portée obligatoire.
La solution retenue par la cour (au demeurant prudente dans la rédaction de son considérant de principe) s’explique sans doute davantage par les circonstances de l’espèce.
En effet, la cour commence par rappeler que le rectorat à l’obligation d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires. Cette obligation, qui découle de la mission d’enseignement dévolue au ministre, a été posée anciennement par le Conseil d’Etat (CE. SSR. 27 janvier 1988, Ministre de l’éducation nationale c. M. X, n° 64076, publiée au Recueil). La haute juridiction en a déduit que la méconnaissance de cette obligatoire (autrement dit, la carence dans l’enseignement), qui consistait dans la décision du Conseil d’Etat à avoir omis 7 heures de cours par semaine pendant toute une année scolaire, engageait la responsabilité de l’Etat.
C’est donc à la lumière de cette obligation d’assurer les enseignements obligatoires que la cour administrative d’appel de Bordeaux étudie le cas qui lui était soumis.
Or, dans cette affaire, le comportement du rectorat paraissait peu critiquable. En effet, la cour relève qu’à la suite de l’absence prolongée pour raisons de santé d’une professeure en langue basque qui avait été immédiatement remplacée, sa remplaçante avait elle-même été ponctuellement absente pour raisons de santé mais remplacée systématiquement (mais, sur les 29 demi-journées de remplacement, 16 l’avaient été en français).
La cour tient compte de plusieurs éléments pour considérer que le rectorat n’a pas engagé sa responsabilité en l’espèce :
- Le caractère imprévisible des absences de la remplaçante,
- La diligence du rectorat (qui a assuré tous les enseignements),
- Le nombre limité d’heures dispensées en français (48 heures).
Ce raisonnement développé par la cour, qui se fonde sur le nombre limité d’heures dispensées en français, permet de douter de la portée à donner à cet arrêt.
La prudence de la cour et la mise en avant du nombre d’heures limité de cours dispensés en français (en effet, 48 heures sur une parité d’enseignement annuelle n’apparaissent effectivement pas déterminantes) laissent supposer que les si les circonstances avaient été différentes, la cour aurait peut-être fait produire ses effets à l’article 2 de l’arrêté du 12 mai 2003 qui prévoit la parité horaire.
L’on imagine que la solution n'aurait pas été la même si, par exemple, le rectorat avait fait preuve d’une moindre diligence et si les enseignements avaient finalement été dispensés aux trois quarts, ou davantage, en français.
Cette décision est donc intéressante et montre en tout cas que le juge ne souhaite pas imposer d’obligations trop précises au rectorat en matière de parité d’enseignement bilingue. En effet, la cour indique seulement qu'en cas d'absence ponctuelle et impromptue d'un professeur enseignant en langue régionale, il peut être remplacé par un professeur enseignant en français. Néanmoins, elle ne paraît pas clore définitivement le débat en excluant par principe toute faute de l’administration en ce domaine.