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La difficile appréciation des conséquences des condamnations et infractions sur la naturalisation

roze-bruno Par Le 20/02/2023 0

Le principe en matière de naturalisation est clair : en cas de commission d’infraction, il est possible de les prendre en compte en fonction de « la gravité des faits et [de] la date à laquelle ils ont été commis » (CAA Nantes, 10 juin 2022, n° 21NT02509). Cependant, l’application pratique de ces principes est moins facile que cela peut paraître de prime abord comme l’illustrent deux arrêts de la cour administrative d’appel de Nantes.

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En effet, il certain que la commission d’infractions et les condamnations pénales peuvent justifier un refus de naturalisation.

Cependant, il est également certain qu’il faut tenir compte de deux paramètres :

  • la gravité des faits,

  • l’ancienneté de l’infraction.

Ainsi, des faits graves peuvent être pris en compte de nombreuses années plus tard tandis que des infractions de moindre importance peuvent ne pas s’opposer à la naturalisation même si elles sont récentes.

Or, l’étude de la jurisprudence montre un certain aléa dans l’appréciation de ces deux conditions (gravité et ancienneté de la condamnation ou de l’infraction) et donc des divergences entre le tribunal administratif de Nantes et sa cour de contrôle.

Deux arrêts rendus relativement récemment permettent de bien illustrer le caractère parfois subjectif de l’appréciation.

● Dans la première affaire (CAA Nantes, 19 avril 2022, n° 21NT00760), le demandeur à la naturalisation avait été condamné pour des faits de violence par conjoint en situation de récidive. Il s’agissant donc d’une infraction grave.

Le ministre s’était fondé sur ces faits pour rejeter la demande de naturalisation et le postulant avait alors formé un recours contre ce refus (voir l’article : Comment contester un refus de naturalisation ?).

Le tribunal administratif de Nantes avait fait droit au recours et avait annulé la décision du ministre en estimant les faits suffisamment anciens pour ne plus peser sur la demande de naturalisation.

En effet, à la date de la décision du ministre, les faits dataient de près de 14 ans. Le délai était donc important entre la commission de l’infraction et la demande de naturalisation.

En appel, la cour administrative d’appel de Nantes prend le contrepied du tribunal et ne tient pas compte de l’ancienneté des faits. Elle fait uniquement référence à leur gravité et estime que le ministre pouvait donc se fonder sur cette infraction pour rejeter la demande de naturalisation.

● Dans la seconde affaire (CAA Nantes, 10 juin 2022, n° 21NT02509), le postulant avait été condamné pour conduite d’un véhicule sous l’emprise d’un état alcoolique.

Le ministre s’était, là encore, fondé sur cette infraction pour rejeter la demande de naturalisation et le postulant avait alors formé un recours contre ce refus.

Mais, à la différence de la première affaire, le tribunal avait confirmé la position du ministre en estimant que les faits (pourtant survenus plus de 7 ans avant la décision du ministre) justifiaient sa décision.

Le requérant a alors formé un recours devant la cour administrative d’appel de Nantes.

Dans l’arrêt commenté, la cour lui donne raison en retenant trois éléments :

  • Le caractère isolé des faits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique,

  • Leur ancienneté (plus de 7 ans à la date de la décision),

  • Leur gravité limitée.

Elle estime donc que le ministre ne pouvait pas se fonder sur cet élément pour rejeter la demande de naturalisation.

● Ces deux arrêts sont intéressants à un double titre.

Le premier est qu’ils montrent le caractère nécessairement subjectif de ce type d’appréciation puisque l’on constate que le tribunal administratif de Nantes et la cour administrative d’appel de Nantes font preuve d’indulgence et sévérité inversées dans ces deux affaires.

Cela démontre la grande difficulté qu’il peut y avoir appréhender au préalable les chances de succès d’un recours dans ce type d’hypothèse.

Le second enseignement de ces deux arrêts est qu’ils montrent qu’en réalité, pour la cour administrative d’appel de Nantes – même si elle ne l’indique pas expressément – les conditions d’ancienneté et de gravité de l’infraction ne sont pas les seules qu’elle prend en compte. En effet, elle prend également en compte le caractère isolé ou non des faits.

Cela ressort très clairement des deux arrêts puisque, dans le premier arrêt, la cour relève la « récidive » du demandeur à la naturalisation (même si cette récidive est ancienne de 14 ans) et, dans le second arrêt, elle note le caractère « isolé » des faits et l’absence de « récidive ».

Il est donc clair que cet élément est également important pour la cour. Aussi, parmi les paramètres à prendre en compte, les critères suivants sont appliqués par la cour administrative d’appel de Nantes :

  • la gravité des faits,

  • l’ancienneté de l’infraction,

  • son caractère isolé ou non.

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