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La règle de « double validation » des épreuves pratiques et théoriques n’est pas contraire à la semestrialisation

roze-bruno Par Le 19/12/2022 0

Dans certaines universités et pour certains diplômes, une règle dites de « double validation », impose – au-delà de la validation du semestre – de valider certaines UE spécifiques. Ce type de règle est assez fréquent au sein des universités, mais suscite souvent des incompréhensions de la part des étudiants (d’autant qu’elles ne sont pas toujours indiquées avec beaucoup de clarté en début d’année).

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Une règle de ce type a été contestée par une enseignante de l’université de Bretagne Sud qui avait vu cette règle appliquée à ses étudiants pour chaque semestre puis pour l’année entière, en estimant que cette règle était contraire à la semestrialisation issue de la réforme dite « LMD ».

En effet, et depuis de nombreuses années désormais, les diplômes sont construits en semestres au niveau européen afin de permettre, notamment, une plus grande fluidité des échanges entre universités.

  • Le Conseil d’Etat juge que la règle n’est pas contraire à la semestrialisation

Par un arrêt n° 437521 du 6 avril 2022, le Conseil d’Etat, saisi de la question, estime que le code de l’éducation, qui consacre la semestrialisation (et plus particulièrement son article D. 123-13), ne s’oppose pas à ce que cette règle de « double validation » s’applique à l’année entière.

Plus précisément, il estime que l’obligation de valider précisément certaines UE en sus de la validation des deux semestres de l’année peut être appliquée à une année de licence ou master, ou bien à l’obtention d’un diplôme.

Cette solution apparaît relativement logique même si elle est contre-intuitive.

En effet, il faut conserver à l’esprit que sauf règle de compensation entre les UE ou les semestres, toutes les UE doivent être validées pour obtenir le 30 ECTS correspondant à chaque semestre du cursus universitaire (ex : TA Melun, 20 août 2018, Mme Manon T, n° 1806630).

Dans la mesure où il n’existe aucun principe général de compensation entre les UE ou les semestres, toute UE doit en principe être validée pour être acquise, de sorte qu’en principe, il faut valider toutes les UE pour obtenir son semestre ou son année.

Cela n’apparaît pas toujours clairement dans l’esprit des étudiants puisque de nombreuses universités établissent des règles de compensation entre les UE, ce qui donne une fausse impression selon laquelle toutes les notes se compenses et seule la moyenne au semestre compte.

Aussi, il n’est pas juridiquement contestable que l’université de Bretagne Sud ait, ici, décidé qu’en sus de la validation des semestres, l’année ne pouvait être validée que si certaines UE spécifiques étaient validées.

C’est la raison pour laquelle le Conseil d’Etat rejette le recours.

  • Une double validation contre-intuitive

Il faut néanmoins reconnaître que, même si la semestrialisation à l’université est censée être devenue la règle, le maintien de règles spécifiques pour valider une « année » va à l’encontre de cette règle.

En effet, en toute logique, chaque semestre devrait être réellement indépendant et validé de manière également indépendante.

Cependant, le Conseil d’Etat considère dans la décision commentée que cette règle de « double validation », applicable à l’année entière ne remet pas en cause le principe de la semestrialisation.

  • Une décision qui ne règle pas le débat sur les règles de « double validation », de « non compensation » ou de « note plancher »

Il convient de souligner que ce type de règle n’est pas, pour autant, toujours légale.

En effet, il est fréquent qu’une université pose un principe de compensation entre les UE ou entre les semestres et que, dans certains diplômes spécifiques, elle revienne sur cette règle.

Dans une telle hypothèses la règle de double validation, non-compensation ou note plancher peut être illégale dans deux hypothèses :

  • D’une part, lorsque, pour des raisons procédures, elle n’est pas opposable à l’étudiant. Cela peut, par exemple, arriver si la règle de « non-compensation » a été incompétemment prise, n’a pas été publiée, n’a pas été transmise au recteur, ou si le jury a ajouté sans texte préalable une règle de non-compensation pour une matière (ex : TA Versailles, 28 octobre 2021, Mme Sihem T, n° 1909233).

  • D’autre part, si elle méconnaît le principe d’égalité. Plus précisément, il n’est possible de créer des différences entre les différentes spécialités d’un même diplôme en matière de compensation que si cette différence est justifiée objectivement (CAA Nancy, 26 juin 2018, n° 16NC02812). A défaut, la règle de « non-compensation » est alors illégale.

Ainsi, si cette décision du Conseil d’Etat donne d’importantes informations sur les règles de double validation, elle ne signifie pas, pour autant, que ces règles sont toujours légales.

Aussi, face à une règle de double-validation, de non-compensation ou de note-plancher, qui apparaît discutable, il ne faut pas hésiter à envisager un recours (après en avoir discuté avec un avocat en droit de l’éducation, afin de ne pas déposer un recours qui soit voué à l’échec).

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