Par une décision n° 427781 du 3 juin 2020, le Conseil d’Etat considère qu’un permis de construire, qui impose d’obtenir une servitude de passage pour accéder à la voie publique avant le commencement des travaux, est légal.
Dans cette décision, était en cause un projet de construction de logements sur un terrain qui n’avait pas d’accès à la voie.
Ce projet n’était donc pas conforme à la réglementation en matière d’urbanisme car, pour être constructible, un terrain doit disposer d’un accès à la voie comme le rappellent les plans locaux d’urbanisme (PLU).
Toutefois, plutôt que de rejeter cette demande, le maire de la commune de Fréjus avait fait usage de la possibilité que lui reconnaît le code de l’urbanisme d’assortir son permis de construire d’une prescription (voir l’article : Que sont les prescriptions d’un permis de construire ?) et imposé au demandeur d’obtenir une servitude d’accès à la voie publique avant de commencer les travaux.
En effet, en vertu de l’article 682 du code civil, le propriétaire d’un terrain enclavé peut demander au juge judiciaire d’imposer à ses voisins de lui accorder un passage jusqu’à la voie publique.
Ce permis de construire a été contesté et le tribunal administratif l’a annulé. Le tribunal a retenu que la servitude de passage n’avait pas été obtenue (ni demandée) à la date à laquelle le permis de construire avait été délivré, de sorte que cette prescription ne permettait pas de régulariser le projet.
Ce raisonnement est censuré par le Conseil d’Etat dans la décision commentée.
En effet, il considère que cette prescription permettait de regarder le permis de construire comme conforme aux règles d’urbanisme.
D’une part, il relève explicitement que cette prescription n’entraine pas de modification substantielle du projet (étant précisé qu’une prescription ne peut conduire qu’à modifier des points précis et limités du projet – CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677, publiée au Recueil – voir l’article : Que sont les prescriptions d’un permis de construire ?).
D’autre part, il estime, implicitement qu’il n’est pas nécessaire que la servitude de passage ait été obtenue avant l’octroi du permis de construire.
Comme l’indique la rapporteure publique dans ses conclusions, il s’agit alors d’une autorisation « conditionnelle » possible et, dès lors, légale. L’autorisation ne pourra donc être exécutée qu’une fois la servitude de passage obtenue.
Cette solution – compréhensible sur le plan de l’opportunité – n’en est pas moins étonnante car elle ouvre la voie à l’octroi de permis de construire conditionnels, subordonnés à l’obtention d’autres autorisations.
Toutefois, cette position du Conseil d’Etat ne pourra, très certainement, pas être étendue à d’autres types d’autorisations qui, elles, sont requises par le code de l’urbanisme avant la délivrance d’un permis de construire.