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- Une obligation assez claire
L’obligation « d'objectivité et d'équité » est fixée par l’article 3 du code de déontologie des architectes.
Celui-ci dispose que :
« L'architecte doit faire preuve d'objectivité et d'équité lorsqu'il est amené à donner son avis sur la proposition d'un entrepreneur de travaux ou un document contractuel liant un maître d'ouvrage à un entrepreneur ou à un fournisseur.
Il en est de même lorsqu'il formule une appréciation sur la compétence ou la qualité d'une entreprise ou sur la qualité de l'exécution de ses ouvrages. »
Cette obligation est, de prime abord, assez claire dans la mesure où elle impose à l’architecte de faire preuve de professionnalisme en donnant à son client des conseils objectifs sur les entreprises, à donner un avis objectif sur leur valeur, leur compétence, les contrats qu’elles proposent, etc.
Cela paraît assez logique et cela signifie, en résumé, que l’architecte ne doit pas favoriser une entreprise pour des motifs autres qu’objectifs.
- Des implications un peu plus larges que le texte
Cette obligation « d'objectivité et d'équité » de l'architecte a des implications au-delà du conseil et du jugement des entreprises.
En effet, elle implique également de conserver une certaine distance avec les entreprises, notamment financières, comme deux décisions de la Chambre nationale de discipline des architectes et de la chambre régionale de discipline des architectes d’Ile-de-France (CRDA d’Ile-de-France) le montrent.
• D’une part, dans une première affaire, la CRDA d’Ile-de-France a estimé :
« En outre, aucune mission d’assistance pour la passation de contrats de travaux n’a été confiée à Mme … et le forfait proposé pour le suivi du chantier n’a pas été réglé ; cependant, Mme … a fortement recommandé la société … à sa cliente et a continué à la défendre après que des difficultés financières se soient fait jour et que cette société ait fait défaut lors du démarrage du chantier ; elle est ainsi intervenue, sans être missionnée pour ce faire, dans les relations entre sa cliente et la société … sans d’ailleurs être en capacité de mettre fin au litige, et est allée jusqu’à proposer à sa cliente de gérer directement la partie financière du chantier, lui demandant pour cela de faire un virement de la totalité de la somme destinée aux entreprises sur son compte professionnel » (CRDA d’Ile-de-France, 11 juillet 2017, n° 2078)
De ce constat, la chambre régionale a conclu à la méconnaissance (notamment) de l’article 3 du code de déontologie. Deux manquements distincts à l’objectivité et l’équité paraissent avoir été retenus par la chambre :
- Le fait d’avoir défendu une entreprise, de manière non objective, même lorsqu’elle a commencé à poser problème au client,
- Le fait d’avoir proposé de faire transiter le paiement de cette entreprise par son compte pour gérer directement la partie financière.
• D’autre part, dans une seconde affaire, la chambre nationale de discipline des architectes a retenu :
« Il résulte de l'instruction que les sommes destinées au paiement des prestations des entreprises réalisant l'extension d'une maison individuelle pour M. B et Mme G et l'extension d'un garage automobile pour la SCI B INVESTISSEMENT prévues par deux contrats du 25 juin 2015 ont été versées par les maîtres d'ouvrage sur le compte bancaire de Mme M afin que celle-ci rémunère elle-même ces prestataires. Selon les recensements effectués par les maîtres d'ouvrage et l'entreprise en charge de la plus grande partie des travaux, Mme M a ainsi reçu des virements s'élevant à 25265 euros TTC pour les travaux relatifs à la maison individuelle et à 16108 euros TTC pour l'extension du garage tandis qu'une différence s'élevant à 11500 euros est apparue entre ces virements et les sommes qu'elle a reversées à cette entreprise, si bien que les travaux ont été interrompus fin octobre 2015 pour défaut de règlement des travaux par l'architecte. Mme M a refusé à ses clients, par un courriel du 13 novembre 2015, de leur communiquer le justificatif de ses paiements auprès des entreprises et a notifié le même jour la rupture unilatérale des contrats. Le choix de ce mode de règlement des prestations des entreprises, quand bien même Mme M soutient qu'il aurait été demandé par ses clients, que son seul but aurait été de réduire les dépenses pour ses clients, qu'elle aurait refusé d'être impliquée dans une opération d'abus de biens sociaux, qu'elle n'en aurait tiré aucun profit et que des honoraires ne lui auraient pas été versés, constitue une confusion d'activités susceptible d'entrainer méprise ou tromperie au sens des articles 8 et 9 du code de déontologie et n'a pas permis à cette architecte, qui a pu préférer ses intérêts à ceux de ses clients et s'est trouvée en situation de juge et partie, de faire preuve d'objectivité en méconnaissance des article 3 et 13 du même code. En retenant une partie des sommes perçues auprès de ses clients et destinées aux entreprises, Mme M n'a pas assumé ses missions avec l'intégrité et la clarté requises par l'article 12 du même code. » (CNDA, 23 avril 2019, n° 2018-194)
Là encore, le comportement de l’architecte a entrainé une sanction sur le fondement de plusieurs articles du code de déontologie (pour en savoir plus sur la procédure de sanction des architectes : Comment fonctionnel la discipline des architectes ?).
Mais concernant l’article 3 qui nous intéresse ici, c’est le choix d’un règlement des entreprises, via le compte de l’architecte qui a conduit à la méconnaissance de son obligation d’objectivité envers les entreprises.
Ainsi, dans ces deux cas, le paiement des entreprises par l’architecte, celui-ci récoltant les fonds du client sur son compte pour ensuite les retransférer aux entreprises, a été considéré comme un manquement à l’obligation « d'objectivité et d'équité ».
Au vu de ces décisions, certes rares, il ne peut qu’être conseiller aux architectes de faire preuve de la plus grande attention et de ne pas choisir un mode de règlement des entreprises passant par son propre compte et de préférer un paiement direct des entreprises par les clients pour s’assurer ne de pas méconnaître l’article 3 du code de déontologie.
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Bruno Roze
Avocat associé
Melian Avocats AARPI