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- La consécration du droit par le Conseil constitutionnel
Le droit public disciplinaire a fait l’objet, ces dernières années, d’une évolution importante sous l’influence du Conseil constitutionnel.
En effet, par une série de décisions, le Conseil constitutionnel est venu censurer différents textes qui ne prévoyait pas, dans le cadre de procédure disciplinaires administratives, le droit pour la personne accusée de se taire (décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 ; décision n°2022-1019 QPC du 27 octobre 2022 ; décision n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 ; décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024 ; décision n° 2024-1108 QPC du 18 octobre 2024).
- La transposition par le Conseil d’Etat
Le « mode d’emploi » de la reconnaissance, avec effet immédiat, de ce droit par le Conseil constitutionnel a été donné par le Conseil d’Etat dans deux décisions de principe (CE. Sect. 19 décembre 2024, n° 490952, publiée au Recueil ; CE. Sect. 19 décembre 2024, n° 490157, publiée au Recueil).
Ces deux décisions sont venues réduire drastiquement les conséquences de ce droit et sa méconnaissance.
- Le cas des universités (de leurs sections disciplinaires)
Par la décision commentée (CE. CHR. CE 9 mai 2025, n° 499277, mentionnée aux tables), le Conseil d’Etat a transposé ces principes à la procédure applicable devant les sections disciplinaires des universités.
- La reconnaissance du droit
Assez logiquement, comme dans les autres pans du droit disciplinaire, le Conseil d’Etat consacre le principe selon lequel un étudiant faisant l’objet de poursuites disciplinaires doit être informé, préalablement à sa première audition par l’université, de son droit de se taire pour l’ensemble de la procédure.
Ce principe est donc clair. Mais, comme en matière de fonction publique, le Conseil d’Etat limite à la fois le champ et la portée de ce droit au sein des universités.
- Limitation du champ : exclusion de l’enquête
Le Conseil d’Etat précise que ce droit de se taire ne s’applique pas (sauf détournement de pouvoir) aux enquêtes administratives réalisées par l’établissement même si cette enquête peut conduire à révéler des faits retenus contre l’usage.
Autrement dit, au stade de l’enquête, et tant que la procédure disciplinaire n’est pas officiellement lancée, le droit de se taire ne s’applique pas.
Cette réserve est donc importante car cela signifie que si l’université auditionne des étudiants pour déterminer si des faits qui lui sont rapportés sont vrais ou non, pour décider de lancer une procédure disciplinaire, les personnes entendues n’ont pas besoin de se voir rappeler le droit se taire.
- Limitation de la portée : en cas de méconnaissance de ce droit, la censure n’a lieu que si les déclarations de l’étudiant sont déterminantes
Au stade de la procédure disciplinaire en elle-même, même si l’université n’a pas indiqué à l’étudiant qu’il avait le droit de se taire, cela ne conduit pas automatiquement à la censure de la procédure disciplinaire.
En effet, le Conseil d’Etat impose alors juge :
- D’analyser les déclarations de l’étudiant et les autres éléments du dossier,
- Pour décider si la sanction repose de manière déterminante sur ses propos.
Autrement dit, si l’auto-incrimination de l’étudiant, qui n’a pas été informé de son droit se taire, n’est pas le seul élément sur lequel s’est fondée la section disciplinaire de l’université pour sanctionner l’étudiant, alors le juge devra procéder de manière relativement abstraite en se demandant ce qui se serait passé sans cette auto-incrimination.
Cela laisse donc une large marge à l’approximation. Et la tentation pour le juge de considérer que les autres éléments sont suffisants pour justifier la sanction risque d’être grande.
Le droit de se taire est consacré pour les étudiants devant les sections disciplinaires des universités. Cependant le champ de ce droit est limité, tout comme les conséquences de sa méconnaissance :
- Le droit ne s’applique pas à l’enquête,
- En cas de méconnaissance, la censure de la sanction n’est pas automatique car le juge doit déterminer si l’auto-incrimination de l’étudiant a été déterminante.
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Bruno Roze
Avocat associé
Melian Avocats AARPI