Par une décision n° 412897 du 1er octobre 2018, le Conseil d'Etat rappelle qu'il peut être mis fin, pour l'avenir, à la protection fonctionnelle octroyée à un agent lorsqu'il apparaît que cette protection n'est pas plus due (ou ne l'a jamais été). Il précise qu'en matière de protection accordée en raison d'un harcèlement moral, l'intervention d'un jugement non-définitif des juridictions judiciaires ne retenant pas le harcèlement ne suffit pas à justifier qu'il soit mis fin à la protection. En revanche, les éléments révélés à cette occasion peuvent justifier l'arrêt de cette protection.
Il est désormais bien établi que la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 doit être octroyée à un agent public qui subi un harcèlement moral (voir sur ce point l'article : Harcèlement moral, protection fonctionnelle et droit de retrait).
Sur le fondement de ces dispositions, il arrive que la protection soit accordée à un agent qui s'estime harcelé. C'est ce qui s'était passé dans l'espèce jugée par le Conseil d'Etat.
Dans cette affaire, l'agent en question avait attaqué civilement et pénalement les auteurs présumés de ce harcèlement devant les juridictions judiciaires.
Or, ces dernières avaient considéré que le harcèlement n'était pas établi mais ce jugement avait été frappé d'appel.
Face à cette situation, l'administration avait considéré que la protection fonctionnelle n'était plus due. L'agent ayant contesté le terme mis pour l'avenir à sa protection fonctionnelle, la cour administrative d'appel saisie du litige avait considéré que, du fait du jugement rendu par les juridictions judiciaires, l'administration avait à bon droit mis un terme à la protection de son agent.
Saisi de ce litige, le Conseil d'Etat censure ce raisonnement en estimant : d'une part, que le jugement non-définitif rendu par les juridictions judiciaires ne pouvait justifier à lui seul la fin de la protection fonctionnelle et, d'autre part, qu'en revanche, les éléments nouveaux mis en lumière à l'occasion de cette procédure pouvaient justifier qu'il soit mis un terme à la protection.
Les précisions du Conseil d'Etat sur les possibilités de mettre un terme à la protection fonctionnelle d'un agent public octroyée en raison d'un harcèlement moral sont donc doubles.
En effet, il était d'ores et déjà établi que l'administration pouvait mettre un terme pour l'avenir à la protection fonctionnelle d'un agent lorsqu'il apparaissait qu'elle n'était plus justifiée ou ne l'avait jamais été (voir, sur ce point : CE. Sect. 14 mars 2008, M. André A, n° 283943, publiée au Recueil). En cela, la décision commentée n'apporte rien de nouveau, ce principe étant déjà établi. En revanche, elle apporte des précisions utiles en matière de protection fonctionnelle pour harcèlement.
● En premier lieu, le Conseil d'Etat indique que l'intervention d'une décision du juge judiciaire ne retenant pas la qualification de harcèlement moral ne justifie pas à elle seule le terme mis à la protection si cette décision du juge judiciaire n'est pas devenue définitive.
Cette solution apparaît logique dans la mesure où si le juge judiciaire est encore saisi en appel de la situation, alors elle n'est pas tranchée de manière définitive.
Cela signifie, a contrario, que si la décision du juge judiciaire qui ne retient pas la qualification de harcèlement moral est définitive, l'administration peut se borner à faire mention de cette décision pour justifier l'abrogation de la décision de protection.
● En second lieu, et dans la mesure où l'administration peut mettre un terme à la protection si elle n'apparaît pas ou plus justifiée, l'administration peut en revanche tenir compte des éléments qui auraient pu apparaître à l'occasion du procès devant le juge judiciaire.
En effet, si au cours des débats, des éléments dont elle n'avait pas connaissance apparaissent et lui permettent de considérer que sa protection n'était pas justifiée, alors elle peut les utiliser pour mettre un terme à sa protection. Mais elle doit alors justifier sa décision par ces éléments nouveaux et on par l'intervention du jugement en lui-même.