Par une décision n° 410411 du 13 avril 2018, le Conseil d’Etat a jugé qu’un fonctionnaire pouvait être licencié pour insuffisance professionnelle en tenant compte de son travail sur des fonctions pour lesquelles il a été irrégulièrement nommé.
Plus précisément, le Conseil d’Etat avait à se prononcer sur une affaire dans laquelle un agent avait été licencié pour insuffisance professionnelle. Ce licenciement avait toutefois été annulé par la cour administrative d’appel de Versailles au motif que l’administration ne pouvait pas apprécier l’aptitude professionnelle de l’agent puisqu’il avait été irrégulièrement nommé sur ses fonctions.
Avant de se trancher la point qui nous intéresse, le Conseil d’Etat rappelle que :
- D’une part, le licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut être fondé que sur des éléments manifestant l’inaptitude de l’agent à exercer ses fonctions. Autrement dit, les éventuelles fautes disciplinaires commises par l’agent ne peuvent pas entrer en ligne de compte pour apprécier son inaptitude. En effet, sanction et insuffisance professionnelle sont des mesures bien distinctes de sorte qu’un agent inapte ne peut être sanctionné pour cette inaptitude (CE. SSJS. 25 mars 1988, Mme Rymdzianek, n° 84889 ; CAA Paris, 15 mars 2005, n° 02PA01400) et inversement, il ne peut être tenu compte des fautes d’un agent pour le déclarer inapte (CE. ch. réu. 1er juin 2016, n° 392621, mentionnée aux tables).
- D’autre part, l’insuffisance professionnelle n’a pas besoin d’être constatée à plusieurs reprises par différents rapports et il n’est pas nécessaire que l’agent ait été invité à remédier à ses insuffisances avant son licenciement. En effet, une seule évaluation de son aptitude professionnelle peut suffire si elle porte sur une période suffisante et révèle son inaptitude à exercer normalement ses fonctions (CE. ch. réu. 1er juin 2016, n° 392621, mentionnée aux tables, précitée).
Après ces rappels de droit, le Conseil d’Etat aborde le sujet qu’il avait à traiter, à savoir : un agent peut-il être regardé comme inapte s’il a été irrégulièrement nommé sur les fonctions sur lesquelles il exerce ?
La cour administrative d’appel de Versailles avait jugé que cela n’était pas possible, l’administration ne pouvant pas apprécier l’aptitude de l’agent à exercer des fonctions sur lesquelles il a été irrégulièrement nommé.
Cependant, le Conseil d’Etat considère que ce raisonnement est entaché d’erreur de droit. Selon la haute juridiction, la circonstance que l’agent a été irrégulièrement nommé n’a pas d’incidence sur la possibilité d’apprécier l’aptitude professionnelle de l’agent.
En effet, le Conseil d’Etat rappelle qu’un agent est regardé comme légalement investi de ses fonctions tant que sa nomination n’a pas été annulée (CE. Ass. 2 décembre 1983, M. Charbonnel et a., n° 43541, publiée au Recueil ; CE. Sect. 16 mai 2001, Préfet de police, n° 231717, publiée au Recueil), de sorte qu’il est possible d’apprécier son aptitude.
Il réserve néanmoins l’hypothèse dans laquelle la nomination est illégale parce qu’elle porte sur des fonctions autres que celles pour lesquelles l’agent a été engagé ou autres que celles de son grade.
La position adoptée par le Conseil d’Etat est donc assez pragmatique : si la décision de nomination est irrégulière pour une raison sans lien avec l’exercice des fonctions de l’agent (un vice de procédure ou de compétence du signataire de la décision de nomination par exemple), cette irrégularité n’a aucune incidence sur l’appréciation qui peut être portée sur l’aptitude de l’agent.
En revanche, si la nomination a été effectuée sur un poste ne correspondant pas au grade de l’agent ou à son contrat, il est logique qu’il ne soit pas possible d’en déduire qu’il est inapte. A titre d’exemple, si un agent n’est pas voué à assurer des fonctions d’encadrement mais est nommé sur un poste d’encadrement, il n’est pas possible de lui reprocher d’être inapte à l’encadrement.
La réserve du Conseil d’Etat est donc logique.