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Avocat au barreau de Paris depuis 2014, Bruno Roze (Présentation) vous accompagne dans vos démarches administratives et vos conflits avec l'administration.

En effet, avocat intervenant essentiellement en droit public (Domaines d'activité), Maître Roze peut vous assister à titre préventif pour vous conseiller avant toute demande (permis de construire, admission à l'université, titre de séjour, etc.) ou vous aider en cas de refus ou de difficulté avec l'administration.

En tout hypothèse, sa mission, se déroulera après la signature d'une convention d'honoraires (Honoraires) fixant les modalités de son intervention.

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Actualités

Déroulement des examens universitaire et juge du référé-liberté

Le 15/11/2018

Par une ordonnance n° 423727 du 20 septembre 2018 le juge des référés du Conseil d’Etat apporte d’intéressantes précisions quant à la qualification de « liberté fondamentale » au sens du référé-liberté à propos du droit à l’instruction et de ses corollaires pour les personnes atteintes d’un handicap.

En effet, dans cette affaire, une étudiante de master 2, atteinte d’un grave handicap et d’un cancer, avait saisi le juge du référé-liberté pour qu’il soit enjoint à son université : de limiter ses épreuves à 3 heures par jour et de l’autoriser à stocker un concentrateur d’oxygène dans les locaux de l’université.

Cette demande ayant été rejetée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, elle avait interjeté appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d’Etat.

A l’occasion de cette affaire, le conseil d’Etat apporte des précisions quant à la possibilité, pour des étudiants, de se prévaloir de leur droit d’accès à l’instruction devant le juge du référé-liberté.

Néanmoins, avant d’exposer la position prise par le Conseil d’Etat, il est nécessaire de rappeler brièvement l’objet du référé-liberté.

1. La liberté fondamentale au sens du référé-liberté ne doit pas être confondue avec l’ensemble des principes ou objectifs de valeur constitutionnels protégés par la Constitution (malgré leur caractère fondamental).

En effet, un principe peut parfaitement être un principe constitutionnel fondamental sans pour autant pouvoir être mobilisé devant le juge du référé liberté. Il en va, par exemple, ainsi du principe d’égalité qui est l’un des principes sur lesquels est assise la Constitution alors que ce principe ne constitue pas une « liberté fondamentale » au sens du référé-liberté (CE. Ord. 1er septembre 2017, Commune de Dannemarie, n° 413607, mentionnée aux tables). De même pour le droit au logement, qui est pourtant un objectif de valeur constitutionnelle (CE. Ord. 3 mai 2002, Association de réinsertion sociale du Limousin et a., n° 245697, publiée au Recueil).

De même, tout droit conféré par la loi ou le règlement n’est pas un droit ou une liberté fondamentale dont on peut se prévaloir devant le juge du référé-liberté (voir, par exemple, le droit au congé-formation : CE. SSR. 28 mai 2001, M. Raut, n° 230888, mentionnée aux tables).

Ainsi, la liberté fondamentale au sens du référé-liberté est une catégorie à part qui permet seulement au juge de mettre en œuvre des pouvoirs particulièrement coercitifs à l’égard de l’administration. En effet, en référé-liberté, non-seulement le juge se prononce en 48h, mais il peut adresser des injonctions présentant un caractère définitif à l’administration.

Dès lors, ce n’est pas parce qu’un droit ou une liberté n’est pas qualifié de fondamental au sens du référé-liberté que ce droit ou cette liberté ne pourra pas conduire à l’annulation au fond d’une décision par le juge administratif. Cela signifie seulement qu’il ne sera pas possible de mettre en œuvre un référé-liberté.

Aussi, le Conseil d’Etat a une vision assez restrictive de ce qui relève de la liberté fondamentale, comme le montre le cas jugé en l’espèce.

2. En effet, dans l’ordonnance commentée, le juge des référés du Conseil d’Etat considère que les conditions de déroulement d’épreuves de master ne peuvent porter atteinte à aucune liberté fondamentale.

Bien que le juge ne précise pas, cela signifie que ces conditions ne portent pas atteinte au droit à l’instruction. C’est ce que soulevait la requérante, qui indiquait qu’était en cause l’égal accès à l’instruction.

Le Conseil d’Etat estime qu’il n’y a pas de liberté fondamentale en l’espèce, même dans l’hypothèse où sont en cause des conditions de déroulement des épreuves portant atteinte au principe d’égalité. Cette précision est logique au vu de la jurisprudence du Conseil d’Etat mentionnée ci-dessus qui considère que le principe d’égalité n’est pas une liberté fondamentale (CE. Ord. 1er septembre 2017, Commune de Dannemarie, n° 413607, mentionnée aux tables).

Concernant le droit d’accès à l’instruction en lui-même, le Conseil d’Etat ne précise pas pourquoi cette liberté fondamentale qu’il a reconnue par le passé (CE. Ord. 15 décembre 2010, Ministre de l’éducation nationale, n° 344729, publiée au Recueil) ne peut pas être mobilisée en l’espèce.

Il y a deux interprétations possibles de ce refus :

  • D’une part, que la question des examens de master 2 n’est pas relative à l’« accès » à l’instruction mais à son déroulement, le Conseil d’Etat ayant simplement consacré comme liberté fondamentale la « privation » de « toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ». Autrement dit, la liberté fondamentale ne semble protéger que l’accès à l’instruction et non pas son déroulement.
  • D’autre part, que le master, grade universitaire de haut niveau ne relève plus du droit à l’instruction, ce droit étant limité à la scolarisation (à l’apprentissage des fondamentaux). En effet, dans l’ordonnance du 15 décembre 2010 consacrant le droit à l’instruction, le Conseil d’Etat cite différents texte pour justifier l’existence de la liberté fondamentale, lesquels se rapportent à la scolarisation des enfants. De plus, par le passé, le Conseil d’Etat avait considéré que l’ « accès » à une formation de troisième cycle (un doctorat) ne relevait pas d’une liberté fondamentale (CE. Ord. 24 janvier 2001, Université Paris VIII-Vincennes Saint-Denis, n° 229501, publiée au Recueil).

Il est probable que ces deux éléments ont joué dans la position prise par le Conseil d’Etat, ce dernier considérant que n’était en cause, ni l’« accès » à une formation, ni le droit à l’instruction au sens stricte.

Cela signifie donc que les conditions de déroulement des examens de master (et sans doute de toute formation universitaire) ne peuvent faire l’objet d’un référé-liberté.

3. En revanche, le Conseil d’Etat ouvre une brèche pour les étudiants atteints d’un handicap ou d’un « trouble de santé invalidant ».

En effet, à l’égard de ces étudiants, un référé-liberté est envisageable s’il existe une « carence caractérisée » de l’administration dans la mise en œuvre des obligations d’aménagement qui pèsent sur elle. Pour apprécier l’existence de cette carence caractérisée, le Conseil d’Etat indique qu’il faut se référer :

  • A l’état de santé de l’étudiant,
  • Aux pouvoirs et moyens dont dispose d’administration.

L’on en déduit donc que plus la personne sera atteinte d’un handicap ou d’une pathologie grave, plus l’administration devra être diligente.

Mais l’on constate également que si l’administration a peu de moyens, cela pourra être opposé à l’étudiant puisque le constat de la carence dépend des moyens de l’établissement. Cette vision que l’on pourrait qualifier de réaliste, est toutefois problématique dans la mesure où les moyens des personnes publiques en charge de l’enseignement supérieur étant de plus en plus limités, cette carence dans le financement du service public de l’éducation pourra un jour servir à justifier le refus d’aménagement des conditions de passation d’une épreuve pas une personne handicapée.

Appliquant ces principes nouveaux à l’espèce, le juge des référés du Conseil d’Etat constate en l’espèce qu’en cours d’instance, l’administration s’est engagée à prendre un prestataire pour fournir des bouteilles d’oxygène à l’étudiante pendant ses épreuves et à fractionner l’épreuve de 7 heures mais pas celles de 4 heures 20. Il relève en outre que l’université devra faire preuve de « bienveillance » à propos de la question des horaires des examens.

Il en déduit qu’il n’y a pas de carence caractérisée de l’université à ses obligations de sorte que le référé est rejeté.

C’est donc à la lumière de ces précisions nouvelles que les étudiants handicapés pourront, en cas de besoin, tenter un référé-liberté dans la petite fenêtre ouverte par le Conseil d’Etat.

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Le juge peut entendre toute "personne intéressée" pendant l'audience

Le 02/11/2018

Par une décision n° 408825 du 24 septembre 2018, le Conseil d’Etat vient préciser les conditions dans lesquelles une personne qui n’est pas partie à l’instance peut être autorisée à prendre la parole lors de l’audience.

En effet, il convient de conserver à l’esprit que la procédure devant les juridictions administratives est principalement écrite. C’est la raison pour laquelle les observations que peuvent faire les parties lors de l’audience ne leur permettent pas de soulever des moyens nouveaux et ne constituent pas, à proprement parler, des plaidoiries.

Le code de justice administrative prévoit en son article R. 732-1 que :

  • Les parties peuvent présenter leurs observations,
  • Le tribunal ou la cour peut entendre les agents de l’administration pour obtenir des explications,
  • Le tribunal peut demander des éclaircissements à une personne présente dont l’une des parties souhaite l’audition.

Sur le fondement de ces dispositions (et du caractère écrit de la procédure devant les juridictions administratives) le Conseil d’Etat avait initialement une interprétation stricte de ces dispositions.

En effet, il estimait que le fait de donner la parole à une personne qui n’était pas partie à l’instance lors de l’audience entachait le jugement ou l’arrêt d’irrégularité. C’est ce qu’il avait jugé à propos de l’intervention d’un syndicat lors d’une audience à propos d’un recours formé par un autre syndicat contre la recevabilité d’une liste présentée à des élections professionnelles par un troisième syndicat (CE. SSR. 16 janvier 2002, SNPT, n° 196637, mentionnée aux tables), de même pour les observations présentées par l’époux de la requérante puisque celui-ci n’était pas lui-même requérant (CE. Sect. 6 octobre 1972, Ville de Bourges, n° 80837, publiée au Recueil).

Dès lors, le principe paraissait presque absolu.

Néanmoins, par la décision commentée, le Conseil d’Etat assouplit très largement cette position. En effet, il estime que le tribunal ou la cour peut autoriser « une autre personne intéressée », qui n’est pas partie à l’instance, à prendre la parole au cours de l’audience.

Le Conseil d’Etat ne définit pas ce qu’il faut entendre par « personne intéressée » mais l’espèce qu’il avait à juger lui donne l’occasion de fournir un exemple : une personne qui était partie à la première instance mais n’était plus partie en appel est une personne intéressée qui peut donc être autorisée à prendre la parole à l’audience.

L’on ne peut donc savoir en l’état quelle sera la définition exacte de la « personne intéressée » et donc l’étendue des possibilités offertes aux juges du fond pour entendre une autre personne que les parties. Il s’agit en tout cas d’une évolution importante, le Conseil d’Etat passant d’une vision très stricte à une vision plus ouverte des personnes susceptibles d’être entendues lors de l’audience.

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L'Etat est responsable de l'absence de place adaptée pour un enfant handicapé

Le 15/10/2018

Par un arrêt n° 17PA01993 du 10 juillet 2018, la cour administrative d’appel de Paris indemnise une enfant atteinte d’un trouble autistique et sa famille du fait de l’absence de place donnée à celle-ci en institut médico-éducatif (IME) malgré les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) prises en ce sens.

1. En effet, il est désormais jugé de longue date qu’il appartient à l’Etat d’assurer le caractère effectif du droit à l’éducation et de l’obligation scolaire, notamment pour les enfants handicapés. Il a été précisé que les difficultés rencontrées par ces enfants ne sauraient faire obstacle à l’application de ces principes et qu’il appartient à l’Etat de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer de manière effective le droit à l’éducation et l’obligation scolaire.

Ces principes ont été posés par le Conseil d’Etat (CE. SSR. 8 avril 2009, n° 311434, publiée au Recueil) à l’occasion d’une affaire où la cour administrative d’appel de Versailles avait estimé que l’obligation de l’Etat n’était qu’une obligation de moyen et non de résultat. Autrement dit, la cour avait jugé que l’absence de places disponibles pouvait être valablement opposée à l’enfant.

En censurant cette solution, le Conseil d’Etat reprenait en réalité la position adoptée quelques temps plus tôt par la cour administrative d’appel de Paris (CAA de Paris, 11 juillet 2007, Ministre de la santé c. Epoux Haemmerlin, n°s 06PA01579-06PA02793, mentionné aux tables), qui avait jugé que la carence de l’Etat ne pouvait être justifiée par l’insuffisance de moyens budgétaires.

Par la suite, le Conseil d’Etat avait également eu l’occasion de préciser que l’absence de scolarisation d’un enfant, en raison d’une absence de décision d’orientation de cet enfant par la CDAPH, engageait la responsabilité de l’Etat, la position de la CDAPH étant fondé sur l’insuffisance des structures d’accueil et non au manque de diligence des parents.

2. Néanmoins, dans la pratique les cas de condamnations de l’Etat sur ce fondement sont relativement rares.

Dans l’arrêt commenté, la cour administrative d’appel de Paris (qui avait été pionnière dans ce domaine) donne un exemple d’application positive de cette jurisprudence en revenant sur un jugement du tribunal administratif de Paris qui avait rejeté la demande des parents d’une enfant atteinte de troubles autistiques.

Cette enfant avait bénéficié de décisions de la CDAPH l’orientant vers un établissement médico-social. Toutefois, elle n’avait, en pratique, pas bénéficié d’un tel suivi au sein des établissements désignés par la CDAPH et avait été prise en charge par un hôpital de jour de la Croix-Rouge. Néanmoins, cet établissement ne pouvait faire bénéficier l’enfant d’une prise en charge pluridisciplinaire adaptée à ses troubles comme l’aurait fait un institut médico-éducatif (IME) et comme l’exigent les textes.

En première instance, le tribunal avait considéré que la carence de l’Etat n’était pas établie, les parents ne démontrant pas – selon le tribunal – avoir pris contact avec l’ensemble des établissements désignés par les décisions successives de la CDAPH. C’est la raison pour laquelle il avait rejeté leur recours.

En appel, la cour relève que les parents ne démontrent pas avoir saisi, par écrit, l’ensemble des établissements mais constate qu’une grande majorité des établissements contactés par écrit avaient refusé l’enfant du fait de l’absence de places disponibles. Pour les autres établissements, les parents affirmaient avoir fait des démarches par téléphone, ce qui était confirmé par les réponses écrites négatives reçues postérieurement au jugement. La cour ajoute que l’Etat ne démontrait pas qu’une seule place ait été disponible dans les établissements désignés par la CDAPH. Elle en conclut que le fait que les parents ne puissent pas prouver avoir sollicité l’ensemble des établissements par écrit n’est pas de nature à exonérer l’Etat de sa responsabilité, pour sa carence fautive. C’est la raison pour laquelle elle condamne l’Etat.

Cette solution, et l’analyse détaillée des démarches effectuées par les parents de l’enfant à laquelle procède la cour, montrent que l’exigence des juridictions administratives envers les parents est, en pratique, assez élevée.

En effet, la plupart des parents ne songent pas forcément à présenter leurs demandes par écrit (et encore moins en courrier recommandé avec accusé de réception). Or, force est de constater que cela peut leur être reproché par la suite. Même si cela se comprend au vu de l’impératif de preuve devant toute juridiction, il n’en demeure pas moins que la position est sévère.

Au cas présent, les établissements ayant refusé par téléphone de prendre l’enfant faute de places disponibles ayant également confirmé ces refus par écrit (postérieurement au jugement du tribunal mais antérieurement à l’arrêt de la cour), la difficulté a été surmontée.

Cependant, cela démontre la vigilance que les parents doivent apporter à leurs démarches. En effet, ces derniers doivent déjà se préparer à l’hypothèse d’un éventuel contentieux quand ils cherchent une place à leur enfant.

En l’espèce en tout cas, la cour considère que les parents apportent la preuve de leurs démarches et condamne l’Etat.

Cependant, la condamnation paraît symbolique pour une prise en charge inadaptée pendant 7 ans. En effet, l’enfant se voit allouer la somme de 5.000 euros. Or, pour une enfant de cet âge, atteinte de troubles de cette nature, le retard pris dans sa prise en charge peut, potentiellement, ne jamais être rattrapé. Les parents se voient quant à eux allouer, pour leurs démarches et la mise en place d’une prise en charge pendant cette période, une somme de 10.000 euros.

Même si une telle indemnisation paraît limitée dans son montant, le principe de la responsabilité est, lui, reconnu. Ce type de décision, rendu dans le cadre d’un recours indemnitaire, peut en tout cas ouvrir la voie à d’autres types de procédures, plus efficaces, devant le juge administratif.

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Les délais de recours contre une décision créatrice de droit retirée, puis rétablie dans l'ordonnancement juridique

Le 01/10/2018

Par un avis n° 419204 du 26 juillet 2018, le Conseil d’Etat vient préciser les délais de recours contre une décision créatrice de droit, retirée par l’administration puis rétablie par le juge à la suite de l’annulation du retrait.

En effet, une décision créatrice de droit (c’est-à-dire une décision dont le bénéficiaire peut légitimement considérer qu’elle lui est acquise) peut être retirée par l’autorité qui l’a édictée, en vertu de la jurisprudence Ternon, dans un délai de quatre mois à compter de son édiction si elle est illégale.

Toutefois, il est fréquent que le bénéficiaire de la décision créatrice de droit (une autorisation par exemple) saisisse le juge administratif pour faire annuler ce retrait.

Si le juge fait droit à cette demande d’annulation, la décision de retrait disparaît de l’ordonnancement juridique et la décision créatrice de droit reprend automatiquement vigueur. Se pose alors (comme toujours en droit public) la question du délai de recours contre cette décision créatrice de droit qui (en quelque sorte) revient à la vie : un nouveau délai de recours recommence-t-il à courir ? Si oui, à partir de quand ?

Le Conseil d’Etat avait d’ores et déjà en partie répondu à ces questions (CE. SSR. 6 avril 2007, M. Bernard A. et autres, n° 296493, mentionnée aux tables) en estimant, à propos d’un permis de construire, qu’il reprenait vigueur à compter de la notification du jugement et qu’un nouveau délai de recours commençait à courir à compter des mesures de publication et d’affichage prévues par le code de l’urbanisme.

Dans l’avis commenté, le Conseil d’Etat apporte, cette fois, un mode d’emploi complet à la computation des délais de recours contre une décision créatrice de droit retirée pour remise en vigueur par un jugement d’annulation de la décision de retrait.

▪ En premier lieu, le Conseil d’Etat précise que la décision remise en vigueur ne peut plus être retirée par l’autorité qui l’a émise. Cette précision n’allait pas de soi (principalement si le retrait est annulé pour une question de procédure) mais dans l’intérêt d’une bonne administration il est effectivement préférable que le débat cesse afin d’éviter un jeu de retrait / annulation indéfini.

▪ En deuxième lieu, il rappelle que l’annulation de la décision de retrait rétablit la décision initiale et qu’un nouveau délai de recours contentieux court contre cette décision. Mais il précise, en sus de qu’il avait déjà jugé, que ce nouveau délai commence à courir :

  • Dès la notification du jugement si la décision en cause n’a besoin de faire l’objet d’aucune mesure de publicité particulière (une décision individuelle classique).
  • A compter des mesures de publicité particulières si elles sont prévues par les textes (comme c’est le cas pour les permis de construire).

▪ En troisième lieu, le Conseil d’Etat précise les modalités d’application de ces principes vis-à-vis d’un tiers particulier pour les collectivités territoriales, à savoir le préfet. En effet, il indique que pour les décisions qui doivent faire l’objet d’une transmission au préfet afin qu’il puisse exercer son contrôle de légalité, cette nouvelle transmission doit avoir lieu dans les 15 jours suivant la notification du jugement (ce délai étant le délai classique prévu par l’article L. 2131-1 du CGCT). Cette notification au préfet fait alors courir le délai dont dispose ce dernier pour éventuellement déférer la décision au tribunal administratif.

Ces précisions, certes relatives à des hypothèses bien particulières, viennent en tout cas clarifier les règles de computation du délai de recours contre les décisions créatrices de droit remises en vigueur par une annulation.

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Un agent suspendu peut demander qu'il soit mis fin à sa suspension à la lumière d'éléments nouveaux

Le 18/09/2018

Par une décision n° 418844 du 18 juillet 2018 le Conseil d’Etat vient préciser les conditions dans lesquelles les professeurs d’universités (et plus généralement les personnels de l’enseignement supérieur) peuvent faire l’objet d’une suspension et, surtout, les hypothèses dans lesquelles cette suspension ne peut être maintenue.

En effet, en vertu des dispositions de l’article L. 951-4 du code de l’éducation, les personnels de l’enseignement supérieur peuvent être suspendus pour une durée d’un an tout en conservant leur traitement. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de juger que ces dispositions spécifiques étaient les seules à s’appliquer à ces personnels, l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui traite de la suspension pour l’ensemble des fonctionnaires ne leur étant pas applicable (CE. SSR. 5 novembre 2001, Société des agrégés de l'université, n° 224380, publiée au Recueil).

L’article du code de l’éducation est toutefois muet sur les conditions de fond d’application de cette suspension. Aussi, par différentes décisions, le Conseil d’Etat est venu pallier ce silence en posant deux conditions de fond à la suspension d’un personnel de l’enseignement supérieur :

  • Que les faits imputés à l’agent aient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité (CE. SSR. 10 décembre 2014, n° 363202, mentionnée aux tables). Il s’agit là simplement de la condition posée par l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, que le Conseil d’Etat transpose dans le silence des textes.
  • Que la poursuite des activités de cet agent au sein de l’établissement présente des inconvénients « suffisamment sérieux » pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours (CE. CHR. 30 mai 2018, n° 418844).

Ces deux conditions sont donc cumulatives, ce qui signifie qu’en principe le caractère vraisemblable et grave des faits imputés au professeur ne suffit pas pour justifier légalement une suspension, encore faut-il que la poursuite de ses activités présente des inconvénients suffisamment sérieux.

Toutefois, en pratique, lorsque les faits imputés à l’agent sont liés au service et présentent une gravité et une vraisemblance suffisante, son maintien dans l’université présentera généralement des inconvénients suffisamment sérieux pour la sérénité du service.

Au-delà du rappel de ces deux conditions et de l’absence d’obligation pour l’université d’entendre le professeur avant de le suspendre (CE. SSR. 26 octobre 2005, M. Bruno X, n° 279189, publiée au Recueil) le Conseil d’Etat précise, dans la décision attaquée, comment le juge et l’administration doivent tenir compte de faits nouveaux ayant une incidence sur le caractère grave ou vraisemblable des faits imputés à l’agent.

D’une part, s’agissant du juge, le Conseil d’Etat considère – assez classiquement – que les faits nouveaux ou les faits antérieurs qui n’étaient pas à la connaissance de l’administration n’ont pas d’incidence sur la légalité de la décision de suspension. En effet, en principe, la légalité d’un acte s’apprécie à la date de son édiction. Autrement dit, si au vu des faits découverts ultérieurement, les accusations sont finalement écartées, cela n’a pas nécessaire d’incidence sur la légalité de la décision de suspension. Si le juge considère qu’au moment où la décision a été prise, les accusations étaient suffisamment graves et vraisemblables, alors la décision sera regardée comme légale.

D’autre part, et en revanche, le Conseil d’Etat indique, à propos de l’administration, qu’elle ne peut pas ignorer les éléments nouveaux portés à sa connaissance postérieurement à la décision. En effet, si de tels éléments font perdre leur sérieux aux accusations portées contre le professeur, l’administration est tenue d’abroger la décision de suspension.

En pratique, cela signifie qu’en présence d’éléments nouveaux remettant en cause les accusations, le fonctionnaire suspendu devra solliciter auprès de son administration l’abrogation de sa suspension (si l’administration ne le fait pas spontanément) et, en cas de refus d’abrogation, pourra saisir le tribunal administratif.

A cet égard, il convient de souligner que cette précision, apportée à propos de l’article L. 951-4 du code de l’éducation, devrait en toute logique s’appliquer également à la suspension prononcée sur le fondement de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983. En effet, dans la mesure où la condition de fond de la suspension est, dans ces deux hypothèses, la même, sa disparition doit dans tous les cas mener à l’abrogation de la décision de suspension.

Toutefois, pour que le professeur, ou plus généralement le fonctionnaire, puisse se prévaloir d’éléments nouveaux, encore faut-il qu’il connaissance les motifs de sa suspension. Or, il est fréquent que l’administration reste muette sur les motifs de la suspension et laisse l’agent dans le flou quant aux accusations qui sont portées contre lui.

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Quand le rectorat a-t-il l’obligation de demander l’accord des deux parents pour un changement d’établissement ?

Le 15/08/2018

Par une décision n° 392949 du 13 avril 2018, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les hypothèses dans lesquelles le rectorat peut prendre une décision à la demande de l’un des parents (en cas d’exercice en commun de l’autorité parentale) sans solliciter l’accord de l’autre.

Cette question est centrale en pratique dans les hypothèses de séparation ou de divorce des parents.

Le code civil prévoit sur ce point que les tiers de bonne foi n’ont pas à solliciter l’accord des deux parents pour les « actes usuels », chacun des parents étant réputé avoir l’accord de l’autre. Cet article envisage donc en réalité trois hypothèses :

  • Les actes non usuels pour lesquels l’accord des deux parents est toujours nécessaire,
  • Les actes usuels lorsque le tiers n’a pas connaissance d’un litige entre les parents, pour lesquels l’accord d’un seul parent suffit,
  • Les actes usuels lorsque le tiers a connaissance d’un litige entre les parents, pour lesquels l’accord des deux parents est nécessaire.

Ces dispositions s’appliquent au rectorat comme à tous les tiers. Il est donc régulièrement confronté à la question de savoir s’il se trouve face à un acte usuel ou non lorsqu’un parent fait une demande (généralement une demande de changement d’établissement).

Or, le code civil ne définit pas ce qu’il faut entendre par « acte usuel » ce qui ne simplifie pas la tâche des tiers (et des parents).

Certaines décisions de justice civile ont tenté de dégager une définition. Celle qui est généralement retenue définit les actes usuels comme des actes de la vie « quotidienne, sans gravité, qui n'engagent pas l'avenir de l'enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque, grave apparent pour l'enfant, ou encore, même s'ils revêtent un caractère important, des actes s'inscrivant dans une pratique antérieure non contestée » et les actes non usuels comme « les décisions qui supposeraient en l'absence de mesure de garde, l'accord des deux parents, ou qui encore, en raison de leur caractère inhabituel ou de leur incidence particulière dans l'éducation et la santé de l'enfant, supposent une réflexion préalable sur leur bien-fondé ».  (CA Aix-en-Provence, 28 octobre 2011, RG n° 11/00127). Cette définition, bien qu’éclairante, ne permet de savoir systématiquement comme classer un acte particulier, par exemple, une demande de changement d’établissement.

Dans sa décision du 13 avril 2018, le Conseil d’Etat précise la conduite à tenir pour le rectorat face aux demandes émanant d’un seul parent (notamment les changements d’établissement).

Il indique que le rectorat doit tenir compte de deux éléments pour déterminer si l’accord des deux parents est nécessaire :

La nature de la demande,

L’ensemble des circonstances dont il a connaissance.

Cette affirmation paraît logique mais n’aide pas énormément, en pratique, le rectorat dans sa prise de décision.

En effet, à l’inverse de ce qu’il avait pu juger à propos de l’inscription d’enfants sur un passeport pour laquelle il avait considéré que cet acte était usuel (CE. SSR. 8 février 1999, Mme Claudine X, n° 173126, publiée au Recueil), le Conseil d’Etat ne tranche pas ici, par principe, le point de savoir si un changement d’établissement est un acte usuel ou non.

Néanmoins, en tenant compte des indices donnés par la jurisprudence civile et administrative, l’on peut considérer que dans la plupart des cas, un changement d’établissement n’est pas un acte usuel. En effet, s’il ne s’agit pas d’un acte grave, il s’agit d’un acte important qui a un impact non négligeable sur la vie quotidienne de l’enfant (et donc son équilibre).

Cependant, la nature d’une demande de changement d’établissement peut être contrebalancée par les circonstances de l’espèce (d’où la solution retenue par le Conseil d’Etat). En effet, si, par exemple, le changement de résidence de l’enfant est décidé par le juge aux affaires familiales, qui précise que l’enfant sera scolarisé dans sa nouvelle ville, et si le rectorat a connaissance de cette décision, alors la demande de changement d’établissement proprement dite devient un acte usuel (voir, par exemple : CAA Douai, 10 novembre 2011, M. Eric A, n° 10DA01666 ; CAA Lyon, 28 février 2013, n° 12LY01224).

De même, l’on pourrait imaginer qu’un changement d’établissement, sur le territoire de la même commune et dans le même quartier, soit considéré comme un acte usuel si le rectorat n’a pas connaissance de litiges persistants entre les parents.

In fine, cette décision, si elle donne des clefs de lecture aux rectorats pour déterminer si l’accord des deux parents est nécessaire, reste assez peu opérationnelle pour les parents et les rectorats confrontés à cette question.

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L’enseignement en langues régionales et l’absence des professeurs

Le 31/07/2018

Dans un arrêt n° 16BX01356 du 25 avril 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a eu l’occasion de se prononcer sur une action en responsabilité intentée par les parents d’enfants scolarisés dans des classes bilingues à parité horaire français-basque. Ces derniers se plaignaient qu’à la suite d’absences d’une professeure en langue basque, certains de ses cours avaient été remplacés par des cours en français, de sorte que la parité horaire n’était pas respectée.

Ce litige donne donc l’occasion à la cour de clarifier les obligations incombant au rectorat en matière d’enseignement en langue régionale.

En effet, l’arrêté du 12 mai 2003 donne la possibilité au rectorat de mettre en place un enseignement bilingue en langue régionale à parité horaire dans les établissements scolaires publics. L’article 2 de cet arrêté précise bien que l’enseignement est alors dispensé pour moitié en langue régionale et pour moitié en français.

La question qu’avait à trancher la cour était de savoir quelle portée donner à cet article imposant une parité horaire d’enseignement en cas d’absence de professeurs.

Sa réponse de principe est que cet article n’impose pas davantage que les obligations générales qui s’appliquent à tous les enseignements primaires et élémentaires, à savoir qu’en cas d’absence imprévisible du professeur et d’impossibilité de le remplacer, les élèves doivent bénéficier d’un service d’accueil gratuit (article L. 133-1 du code de l’éducation).

Autrement dit, en première lecture, l’on pourrait déduire de cet arrêt que le principe de parité horaire n’est pas une obligation pour le rectorat.

Mais une telle position paraîtrait excessive dans la mesure où elle reviendrait à refuser à l’article 2 de l’arrêté du 12 mai 2003 tout caractère obligatoire alors que sa rédaction – au présent de l’indicatif – ne laisse pas de doute sur sa portée obligatoire.

La solution retenue par la cour (au demeurant prudente dans la rédaction de son considérant de principe) s’explique sans doute davantage par les circonstances de l’espèce.

En effet, la cour commence par rappeler que le rectorat à l’obligation d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires. Cette obligation, qui découle de la mission d’enseignement dévolue au ministre, a été posée anciennement par le Conseil d’Etat (CE. SSR. 27 janvier 1988, Ministre de l’éducation nationale c. M. X, n° 64076, publiée au Recueil). La haute juridiction en a déduit que la méconnaissance de cette obligatoire (autrement dit, la carence dans l’enseignement), qui consistait dans la décision du Conseil d’Etat à avoir omis 7 heures de cours par semaine pendant toute une année scolaire, engageait la responsabilité de l’Etat.

C’est donc à la lumière de cette obligation d’assurer les enseignements obligatoires que la cour administrative d’appel de Bordeaux étudie le cas qui lui était soumis.

Or, dans cette affaire, le comportement du rectorat paraissait peu critiquable. En effet, la cour relève qu’à la suite de l’absence prolongée pour raisons de santé d’une professeure en langue basque qui avait été immédiatement remplacée, sa remplaçante avait elle-même été ponctuellement absente pour raisons de santé mais remplacée systématiquement (mais, sur les 29 demi-journées de remplacement, 16 l’avaient été en français).

La cour tient compte de plusieurs éléments pour considérer que le rectorat n’a pas engagé sa responsabilité en l’espèce :

  • Le caractère imprévisible des absences de la remplaçante,
  • La diligence du rectorat (qui a assuré tous les enseignements),
  • Le nombre limité d’heures dispensées en français (48 heures).

Ce raisonnement développé par la cour, qui se fonde sur le nombre limité d’heures dispensées en français, permet de douter de la portée à donner à cet arrêt.

La prudence de la cour et la mise en avant du nombre d’heures limité de cours dispensés en français (en effet, 48 heures sur une parité d’enseignement annuelle n’apparaissent effectivement pas déterminantes) laissent supposer que les si les circonstances avaient été différentes, la cour aurait peut-être fait produire ses effets à l’article 2 de l’arrêté du 12 mai 2003 qui prévoit la parité horaire.

L’on imagine que la solution n'aurait pas été la même si, par exemple, le rectorat avait fait preuve d’une moindre diligence et si les enseignements avaient finalement été dispensés aux trois quarts, ou davantage, en français.

Cette décision est donc intéressante et montre en tout cas que le juge ne souhaite pas imposer d’obligations trop précises au rectorat en matière de parité d’enseignement bilingue. En effet, la cour indique seulement qu'en cas d'absence ponctuelle et impromptue d'un professeur enseignant en langue régionale, il peut être remplacé par un professeur enseignant en français. Néanmoins, elle ne paraît pas clore définitivement le débat en excluant par principe toute faute de l’administration en ce domaine.

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Le maintien irrégulier pendant 31 ans sur un statut de "vacataire" donne droit à une indemnisation

Le 06/06/2018

Par un arrêt n° 17MA00081 du 27 avril 2018, la cour administrative d’appel de Marseille condamne l’administration pour avoir engagé, pendant 31 ans un agent en qualité de « vacataire ».

Plus précisément, était en cause dans cette affaire un médecin de prévention, engagé par l’université de Nice-Sophia Antipolis en 1979 en qualité de vacataire. Les contrats successifs mensuels ou annuels de l’intéressé se sont poursuivis sans discontinuité jusqu’en 2011 (moment où l’administration a finalement proposé un CDD à l’agent).

Rappelons, à ce stade, quelle est la différence entre agent « vacataire » et agent « contractuel » (en CDD ou CDI) de la fonction publique.

Les vacataires sont engagés pour exécuter une tâche déterminée et non pour assurer un emploi permanent. Leur position s’apparente davantage à celle d’un prestataire de service qu’à celle d’un agent public.

Ils ne bénéficient donc pas des droits qui s’attachent à la qualité de contractuel de la fonction publique : pas de droit à congés (même de droit à congé maladie), pas de droit à la formation, pas de droit à certaines indemnités.

Néanmoins, il arrive régulièrement dans la pratique que des agents publics soient recrutés en qualité de « vacataires » alors que leur situation ne relève pas de l’exécution d’un acte déterminé.

C’est notamment le cas dans l’affaire jugée par la cour administrative d’appel de Marseille.

En effet, la cour relève que l’emploi de l’intéressé correspondait à un besoin permanent (ce qui allait de soi puisque le médecin de prévention avait été engagé pendant près de 31 ans). Aussi, elle considère que son statut aurait dû être requalifié en CDD.

La juridiction en déduit donc que l’administration a commis une faute en maintenant illégalement l’agent dans un statut de vacataire pendant 31 ans.

Toutefois, l’indemnité qu’elle accorde à l’agent est très limitée. En effet, dans la mesure où l’agent avait, en pratique, bénéficié de congés payés, la cour considère qu’il n’a subi aucune perte de revenus. Elle indemnise donc seulement son préjudice moral et les troubles dans ses conditions d’existence liés à la précarité de sa position.

Elle lui alloue 6.000 euros à ce titre, ce qui paraît peu eu égard à la durée de l’illégalité de la situation du demandeur.

Cet arrêt est néanmoins intéressant sur un plan procédural puisqu’il précise que le délai de prescription (qui est de 4 ans en droit public) de l’action indemnitaire de l’agent relative au retard mis à régulariser sa situation commence à courir à compter de la régularisation.

Ainsi, si l’agent ne voit jamais sa situation régularisée par l’attribution d’un CDD ou d’un CDI, et demeure soumis à un statut de vacataire, il ne pas se voir opposer aucune prescription tant qu’il est en poste.

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C'est à l'Etat de prendre en charge les AVS / AESH pendant les temps d'activités périscolaires

Le 25/05/2018

Par un arrêt n° 16NT02951 du 15 mai 2018, la cour administrative d’appel de Nantes juge que l’Etat doit prendre en charge l’AVS / AESH d’un enfant handicapé pendant les temps périscolaires (TAP) lorsque la CDAPH a estimé que l’enfant devait en bénéficier.

Plus précisément, était en cause dans cette affaire la décision du rectorat, refusant de prendre en charge (via le paiement d’un AVS/AESH) un enfant handicapé pendant les temps d’activités périscolaires (TAP), alors que la CDAPH (commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) avait accordé à l’enfant un AVS sur les temps scolaires et périscolaires.

Pour justifier son refus de prendre en charge l’AVS / AESH de l’enfant pendant les temps périscolaires (TAP), l’Etat avait considéré que ces temps périscolaires étant un service facultatif communal, c’était à la commune de prendre en charge, le cas échéant, cet AVS / AESH.

Face à ce refus, le père de l’enfant avait saisi le tribunal administratif pour faire annuler cette décision de refus de prise en charge de l’AVS / AESH. Le tribunal lui avait donné raison et l’Etat avait interjeté appel du jugement.

C’est à cette occasion que la cour administrative d’appel de Nantes vient confirmer l’annulation du refus de prise en charge et préciser pourquoi l’Etat est bien tenu de rémunérer l’AVS / ARSH.

Il convient en effet de souligner que cette question n’est réglée expressément par aucune des dispositions du code de l’éducation ou par d’autres textes.

La cour est donc contrainte de se placer sur le plan des principes pour déterminer qui est tenu d’assurer le financement de l’AVS / AESH pendant les temps périscolaires.

Pour commencer, la cour rappelle que les CDAPH peuvent accorder des aides via l’attribution d’un AESH (article L. 351-3 du code de l’éducation) et que ces AESH peuvent intervenir pour aider à l’inclusion scolaire, même en dehors du temps scolaire (article L. 917-1 du code).

Elle confirme donc que les AESH peuvent bien intervenir en dehors du temps scolaire. Par conséquent, ils peuvent exercer leurs missions pendant les temps d’activités périscolaires (TAP) organisés par les communes.

Concernant la prise en charge des AESH pendant ces temps périscolaires (qui sont un service public que les mairies ne sont pas tenues de mettre en place), l’Etat affirmait que cela ne lui incombait pas puisqu’il n’est tenu de prendre financière en charge que ce qui relève de sa compétence (article L. 112-1 du code), ce qui n’est pas le cas des temps périscolaires (TAP).

Il est effectivement vrai que les temps périscolaires ne relèvent pas de la compétence de l’Etat et n’ont pas à être financés par lui.

Néanmoins, la cour estime que c’est bien à l’Etat de prendre financièrement en charge les AESH pendant ces temps périscolaires.

Pour ce faire, elle se fonde non pas sur une compétence spécifique de l’Etat mais sur sa mission générale d’organisation du service public de l’éducation. En effet, elle estime que cette mission implique de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l’éducation et l’obligation scolaire des enfants handicapés soient assurés (ce que confirme l’article L. 112-1 du code).

La cour en déduit donc que si la CDAPH a préconisé ces activités périscolaires, lesquelles sont une composante nécessaire à la scolarisation, il appartient à l’Etat d’assurer le financement au titre de sa mission générale.

Autrement dit, dans la mesure où les textes n’attribuent la prise en charge des AVS / AESH pour les temps périscolaires (TAP) à aucune collectivité, c’est à l’Etat d’en assurer le paiement puisqu’il lui incombe de veiller à la scolarisation des enfants handicapés au titre de sa mission générale.

Cependant, la cour précise bien que cette prise en charge n’a lieu d’être que si la CDAPH a préconisé la présence d’un AVS/AESH.

Elle confirme donc l’annulation du refus de prise en charge par l’Etat et enjoint au ministre de l’éducation de permettre à l’enfant d’être accompagné par un AESH pendant les périodes périscolaires.

Cet arrêt est donc important pour les enfants handicapées, leurs familles et les communes. En effet, dans la mesure où les temps d’activités périscolaires sont aujourd’hui généralisés, il était nécessaire de confirmer que les enfants peuvent être accompagnés par des AVS / AESH pendant ces temps périscolaires et de préciser que l’Etat est tenu de prendre en charge ces AVS / AESH lorsque c’est la CDAPH qui l’a préconisé.

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Un agent peut être déclaré inapte alors qu'il a été irréguilèrement nommé sur les fonctions qu'il exerce

Le 25/04/2018

Par une décision n° 410411 du 13 avril 2018, le Conseil d’Etat a jugé qu’un fonctionnaire pouvait être licencié pour insuffisance professionnelle en tenant compte de son travail sur des fonctions pour lesquelles il a été irrégulièrement nommé.

Plus précisément, le Conseil d’Etat avait à se prononcer sur une affaire dans laquelle un agent avait été licencié pour insuffisance professionnelle. Ce licenciement avait toutefois été annulé par la cour administrative d’appel de Versailles au motif que l’administration ne pouvait pas apprécier l’aptitude professionnelle de l’agent puisqu’il avait été irrégulièrement nommé sur ses fonctions.

Avant de se trancher la point qui nous intéresse, le Conseil d’Etat rappelle que :

  • D’autre part, l’insuffisance professionnelle n’a pas besoin d’être constatée à plusieurs reprises par différents rapports et il n’est pas nécessaire que l’agent ait été invité à remédier à ses insuffisances avant son licenciement. En effet, une seule évaluation de son aptitude professionnelle peut suffire si elle porte sur une période suffisante et révèle son inaptitude à exercer normalement ses fonctions (CE. ch. réu. 1er juin 2016, n° 392621, mentionnée aux tables, précitée).

Après ces rappels de droit, le Conseil d’Etat aborde le sujet qu’il avait à traiter, à savoir : un agent peut-il être regardé comme inapte s’il a été irrégulièrement nommé sur les fonctions sur lesquelles il exerce ?

La cour administrative d’appel de Versailles avait jugé que cela n’était pas possible, l’administration ne pouvant pas apprécier l’aptitude de l’agent à exercer des fonctions sur lesquelles il a été irrégulièrement nommé.

Cependant, le Conseil d’Etat considère que ce raisonnement est entaché d’erreur de droit. Selon la haute juridiction, la circonstance que l’agent a été irrégulièrement nommé n’a pas d’incidence sur la possibilité d’apprécier l’aptitude professionnelle de l’agent.

En effet, le Conseil d’Etat rappelle qu’un agent est regardé comme légalement investi de ses fonctions tant que sa nomination n’a pas été annulée (CE. Ass. 2 décembre 1983, M. Charbonnel et a., n° 43541, publiée au Recueil ; CE. Sect. 16 mai 2001, Préfet de police, n° 231717, publiée au Recueil), de sorte qu’il est possible d’apprécier son aptitude.

Il réserve néanmoins l’hypothèse dans laquelle la nomination est illégale parce qu’elle porte sur des fonctions autres que celles pour lesquelles l’agent a été engagé ou autres que celles de son grade.

La position adoptée par le Conseil d’Etat est donc assez pragmatique : si la décision de nomination est irrégulière pour une raison sans lien avec l’exercice des fonctions de l’agent (un vice de procédure ou de compétence du signataire de la décision de nomination par exemple), cette irrégularité n’a aucune incidence sur l’appréciation qui peut être portée sur l’aptitude de l’agent.

En revanche, si la nomination a été effectuée sur un poste ne correspondant pas au grade de l’agent ou à son contrat, il est logique qu’il ne soit pas possible d’en déduire qu’il est inapte. A titre d’exemple, si un agent n’est pas voué à assurer des fonctions d’encadrement mais est nommé sur un poste d’encadrement, il n’est pas possible de lui reprocher d’être inapte à l’encadrement.

La réserve du Conseil d’Etat est donc logique.

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La condamnation pour crime ou délit contraire aux moeurs d'un agent exerçant dans un établissement scolaire

Le 18/04/2018

Par un arrêt n° 17NT02889 du 23 février 2018, la cour administrative d’appel de Nantes est venue rappeler que les personnes condamnées pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs ne peuvent être employées par un établissement d’enseignement primaire ou secondaire.

La cour vient préciser que cette condition posée à l’emploi d’une personne doit pouvoir se vérifier tout au long de son activité au sein de l’établissement. Autrement dit, l’absence d’une telle condamnation n’est pas qu’une condition d’accès à la fonction. Si l’agent est condamné après son entrée au service d’un établissement scolaire, il doit être radié des cadres (si c’est un fonctionnaire) ou licencié (si c’est un agent contractuel).

Elle estime, comme d’autres juridictions avant elles que cette condition institue une « incapacité de plein droit » (CAA Versailles, 2 novembre 2006, n° 05VE00120 ; CAA Bordeaux, 8 mars 2011, n° 10BX01886). C’est la raison pour laquelle certaines juridictions précisent que l’administration se borne à « prendre acte » de l’impossibilité pour la personne de continuer à exercer (CAA Paris, 3 avril 2014, n° 13PA00415).

Ainsi, l’agent condamné pour un crime ou un délit contraire à la probité et aux mœurs sera automatiquement exclu du service.

La cour précise que l’administration n’a donc pas à mettre préalablement fin à ses fonctions avant de le radier des cadres.

Elle rappelle également que cette décision n’est pas une sanction mais une mesure à caractère préventif qui vise à protéger la sécurité des élèves (CE. SSR. 4 avril 2012, M. Serge A, n° 356637). Par conséquent, l’administration n’a pas à respecter la procédure applicable en matière disciplinaire.

La cour ajoute que ce type de décision n’étant pas une sanction, le juge n’a pas à contrôler le caractère proportionné de la mesure.

En effet, les sanctions infligées aux agents doivent être proportionnées aux fautes de ce dernier (CE. Ass. 13 novembre 2013, M. Dahan, n° 347704, publiée au Recueil). La radiation d’une personne ayant commis un crime ou un délit contraire à la probité ou aux mœurs n’étant pas une sanction – mais une obligation légale pour l’administration – le juge ne contrôle pas son caractère proportionné.

Se pose néanmoins la question des garanties accordées aux agents qui font l’objet d’une telle décision.

En effet, la circonstance que ce type de décision ne soit pas une sanction ne signifie pas pour autant que l’agent n’a aucune garantie.

Or, sur ce point, la jurisprudence paraît contradictoire. Certaines cours administratives d’appel avaient initialement jugé que l’administration était en situation de compétence liée pour radier l’agent de la fonction publique et en avaient déduit que tous les moyens de procédure dirigés contre ces décisions étaient inopérants (CAA Versailles, 2 novembre 2006, n° 05VE00120, précité ; CAA Bordeaux, 8 mars 2011, n° 10BX01886, précité). Cette position renvoie à la jurisprudence classique en vertu de laquelle lorsque l’administration est en situation de compétence liée pour agir (autrement dit qu’elle n’a aucun choix et aucune marge d’appréciation sur la conduite à tenir), les moyens de procédure et de forme dirigés contre cette décision sont inopérants (CE. Sect. 3 février 1999, M. Montaignac, n° 149722, publiée au Recueil).

Cependant, cette position a été remise en cause par d’autres arrêts plus récents dans lesquels il est considéré que si l’administration n’a effectivement aucun choix une fois qu’elle a considéré que l’agent a été condamné pour un crime ou délit  contraire à la probité ou aux mœurs, elle procède bien, en amont, à une appréciation des faits et à leur qualification. En effet, l’administration doit se pencher sur la condamnation pour déterminer si elle est contraire à la probité ou aux mœurs, toutes les condamnations n’étant pas forcément contraires à la probité ou aux mœurs (par exemple : un homicide involontaire dans le cadre d’un accident, etc.).

Dans ces conditions, selon la cour administrative d’appel de Paris, l’administration n’est pas en situation de compétence liée au sens de la jurisprudence  M. Montaignac (puisqu’elle apprécie le caractère du crime ou du délit commis), de sorte que les vices de procédures sont opérants contre ces décisions.

La cour en a déduit, d’une part, que ces décisions – qui sont défavorables et sont prises en considération de la personne – doivent être motivées en droit et en fait (CAA Paris, 24 septembre 2013, n° 11PA05024) et, d’autre part, doivent être précédées de la possibilité pour l’agent de consulter son dossier (CAA Paris, 3 avril 2014, n° 13PA00415, précité).

Par conséquent, l’agent conserve – selon la cour administrative d’appel de Paris – un minimum de garanties même si la décision n’est pas une sanction.

Néanmoins, l’on ne peut être certain que cette position sera suivie à l’avenir par d’autres juridictions eu égard à la contradiction des cours entre elles et à l’absence de position prise par le Conseil d’Etat sur cette question.

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L'ajournement ne peut se fonder que sur les règles de validation arrêtées par l'université

Le 04/04/2018

Par un arrêt n° 17PA00477 du 13 mars 2018, la cour administrative d’appel de Paris a rappelé qu’un ajournement ne pouvait être prononcé qu’au vu des règles de validation du diplôme adoptées conformément aux textes et non de « règles » orales ou même écrites communiquées aux étudiants.

Plus précisément, dans cette affaire était en cause l’ajournement d’une étudiante à sa licence du fait de l’application d’une « règle » selon laquelle tous les UE devaient être validés avec une moyenne de 10/20.

En effet, cette « règle », dont avait été informée l’étudiante, n’était pas prévue dans les règles de validation du diplôme, adoptées par la commission de la formation et de la vie universitaire (compétente en vertu de l’article L. 712-6-1 du code de l’éducation). Ces règles prévoyaient au contraire une compensation entre les notes des différents UE sur le semestre.

Par conséquent, la cour rappelle que le jury qui n’applique pas les règles arrêtés par la commission de la formation et de la vie universitaire commet une erreur de droit.

Aussi, elle annule la décision d’ajournement, à la suite du recours formé par l’étudiante, et enjoint à l’université de délivrer son diplôme à l’étudiante.

Cet arrêt est intéressant à un second titre dans la mesure où l’administration demandait au juge qu’il prononce une substitution de motifs de la décision d’ajournement (la substitution de motifs est un mécanisme qui permet à l’administration de demander au juge qu’il donne un nouveau fondement à sa décision à la place de son fondement initial jugé illégal – voir sur ce point : CE. Sect. 6 février 2004, Mme Hallal, n° 240560, publiée au Recueil). Plus précisément, l’université indiquait que l’étudiante s’était rendue coupable d’un plagiat et qu’ainsi une note éliminatoire devait lui être attribuée.

La cour refuse de prononcer cette substitution en estimant que même si le jury aurait pu, initialement, tenir compte de cet élément pour attribuer une note éliminatoire à l’étudiante, il n’appartient pas au juge de substituer son appréciation à celle d’un jury en modifiant les notes attribuées par ce dernier.

Autrement dit, le jury aurait pu mettre une note éliminatoire à l’étudiante mais le juge ne peut pas le faire, a posteriori, à sa place.

Ce raisonnement est vrai dans la mesure où, effectivement, le juge ne peut pas substituer son appréciation à celle d’un jury, ce dernier étant souverain (CE. SSR. 20 mars 1987, M. Gambus, n° 70993, publiée au Recueil ; CE. SSR. 12 mai 2017, n° 396335, mentionnée aux tables). Dans ces conditions, la cour ne pouvait pas modifier la note attribuée par le jury lui-même.

En revanche, un doute peut exister quant à la possibilité pour le jury d’attribuer une note éliminatoire à l’étudiante en raison du plagiat supposé. En effet, les notes doivent en principe porter sur la valeur de l’étudiant (CE. SSR. 1er juillet 1987, Mlle Vincent, n° 65324, mentionnée aux tables) de sorte qu’une fraude ou un plagiat qui n’a pas été établi par le conseil de discipline ne peut justifier une note éliminatoire (TA Paris, 30 octobre 1996, Lathière ; TA Paris 8 janvier 1997, Benyounes). En effet, si la fraude est reconnue, alors le bénéfice de l’examen est automatiquement perdu (article R. 811-11 du code de l’éducation), mais rien n’indique que le jury d’examen peut, avant cela, attribuer une note éliminatoire à l’étudiant pour sanctionner sa fraude. Dans ces conditions, la première partie de l’affirmation de la cour reste contestable puisque cette question n’a pas été expressément tranchée par la jurisprudence, ce qui méritait d’être souligné.

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Le Conseil constitutionnel ouvre la voie au lancement de « Parcoursup »

Le 26/03/2018

Par une décision n° 2018-763 DC du 8 mars 2018, le Conseil constitutionnel a rejeté le recours qui avait été formé contre la loi n° 2018-166 relative « à l’orientation et à la réussite des étudiants ».

Ce texte, qui introduit notamment le principe d’une sélection pour l’entrée en première année à l’université, est celui qu’a préparé le gouvernement pour donner une base légale à la plateforme « Parcoursup » lancée en début d’année. Il modifie en profondeur la philosophie de l’entrée à l’université en introduisant une sélection. Le recours contre ce texte ayant été rejeté, c’est une étape supplémentaire qui a été franchie dans le processus qui va mener – pour la première fois – à une sélection des bacheliers lors de leur entrée en première année universitaire.

En effet, dans cette décision, le Conseil constitutionnel écarte les différents arguments qui étaient soulevés contre ce texte.

Parmi les arguments principaux, il était notamment reproché au texte de prévoir que l’inscription d’un étudiant peut être subordonnée à l’acceptation par ce dernier d’un « accompagnement pédagogique et de parcours de formation personnalisés » pour les candidats dont les acquis et les compétences ne correspondent pas entièrement aux caractéristiques de la formation.

Ces dispositions, qui visent principalement les élèves issus de filières techniques et du bas général STG, doivent en principe permettre à ces étudiants de se mettre à niveau. Néanmoins, le contenu de ces « parcours de formation personnalisés » étant pour l’instant encore flou, il est difficile de savoir quel sera, en réalité, l’objet et l’effet pratique de ces formations.

Les auteurs de la saisine critiquaient ce dispositif en se fondant, d’une part, sur le principe d’égal accès à l’enseignement supérieur en affirmant que ces dispositions constituaient un obstacle à l’entrée pour les étudiants issus de certaines filières. D’autre part, un argument tiré de l’absence de définition suffisante des critères de désignation de ces étudiants dont les acquis et compétences ne correspondent pas entièrement aux caractéristiques de la formation.

Cependant, le Conseil constitutionnel estime de manière lapidaire que les critères sont suffisamment définis, objectifs et rationnels pour permettre de respecter le principe d’égal accès à l’instruction. Pour mémoire, ces critères sont les suivants :

  • Caractéristiques de la formation (les « attendus » de Parcoursup),
  • Appréciation sur les acquis de la formation antérieure,
  • Compétences du candidat.

Ces critères sont donc assez larges (de sorte que l’on ne peut savoir en l’état ce qu’ils vont recouvrir) mais le Conseil constitutionnel estime qu’ils sont suffisamment définis.

En dehors de ce point important, il se penche également sur le cœur du nouveau système Parcoursup, à savoir l’introduction de la sélection.

En effet, les auteurs de la saisine soulevaient également un moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égal accès l’enseignement supérieur en ce que le texte prévoit que dans l’hypothèse où le nombre candidatures excède les capacités d’accueil de la formation, une sélection est opérée en fonction : du projet de formation des candidats, de leurs acquis et de leurs compétences.

Sur ce point – qui le point central dans le changement de philosophie du système universitaire – le Conseil constitutionnel est toutefois laconique et se borne à juger que le législateur a retenu des critères « objectifs » de nature à garantir le respect de l’égal accès l’instruction.

Dès lors, par cette courte affirmation, le Conseil constitutionnel entérine le principe de la sélection à l’entrée à l’université.

Cette sélection, prévue par la loi du 8 mars 2018 est la suivante :

S’il y a davantage de candidats que de places disponibles, alors ces derniers sont sélection en fonction de l’adéquation entre les caractéristiques de la formation (les « attendus » de Parcoursup), d’une part, et les acquis de la formation antérieure et les compétences des étudiants (leur dossier), d’autre part. En effet, bien que le texte ne le dise pas clairement, la « formation antérieure » et les « compétences » des candidats-étudiants seront en réalité leur dossier scolaire.

En se référant aux documents voués à être traités par l’application Parcoursup (arrêté du 19 janvier 2018), l’on constate que ce dossier de candidature sera notamment constitué des bulletins scolaires au titre de la première et de la terminale, d’une lettre de motivation et d’un CV. Ce point est confirmé par le site de Parcoursup lui-même qui évoque ces éléments dans l’onglet « finaliser votre dossier ».

Ainsi, le nouveau système sera bien une sélection en fonction du dossier scolaire (notations, appréciations, établissement d’origine, expérience, motivation).

Dès lors, par sa décision, le Conseil constitutionnel entérine bien la sélection à l’entrée à l’université.

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Le Conseil d'Etat ne se prononcera pas sur la légalité de Parcousup

Le 19/03/2018

Par deux ordonnances n° 417905 et 418029 du 20 février 2018, le Conseil d’Etat rejette les référés formés par différentes associations et syndicats contre les décisions de créer la plateforme Parcoursup et l’arrêté du 19 janvier 2018 autorisant la collecte des données.

En effet, à l’instar de ce qu’il avait jugé à propos de la circulaire APB, le conseil d’Etat refuse de se prononcer sur la légalité des décisions qui lui sont soumises. Plus précisément, en matière de référé suspension, il est nécessaire qu’une situation d’urgence soit établie pour que le juge administratif se prononce sur l’existence de moyens sérieux justifiant la « suspension » de l’exécution de la décision contestée dans l’attente d’une décision au fond.

Au cas présent, comme il l’avait jugé pour la circulaire APB, le Conseil d’Etat estime que l’intérêt public s’oppose à ce que l’exécution des décisions soit suspendue. Autrement dit, même si la décision était illégale, il vaudrait mieux qu’elle demeure dans l’ordonnancement juridique, sa suspension créant plus de troubles que son maintien illégal.

Pour ce faire, il retient que la plateforme est accessible aux futurs étudiants depuis le 22 janvier de sorte qu’une suspension mettrait fin à la procédure nationale de préinscription, ce qui perturberait gravement les étudiants et les autorités académiques et compromettrait, de surcroit, le déroulement du début de l’année universitaire 2018/2019. C’est la raison pour laquelle le Conseil d’Etat considère que l’intérêt public s’oppose à la suspension des décisions de création de Parcoursup et de l’arrêté permettant la collecte des données.

Il relève également que la collecte des données prévue par l’arrêté du 19 janvier 2018 a un caractère limité, de sorte que la gravité de cette collecte n’est pas établie.

Ainsi, il refuse de se prononcer sur la légalité du système Parcoursup.

Cette position est la même qu’il avait adopté en juin dernier à propos de la circulaire APB. La Haute juridiction semble donc avoir adopté une stratégie consistant à ne pas intervenir avant la rentrée universitaire et attendre qu’elle soit passée pour annuler les textes qui lui sont soumis. C’est ce qu’elle a fait avec la circulaire APB puisque cette dernière a finalement été annulée en décembre 2017.

Le résultat est toutefois qu’en agissant de la sorte, le Conseil d’Etat prive ses propres décisions de tout effet utile. En effet, s’agissant d’APB, annuler la circulaire une fois la rentrée passée et alors que le système APB venait d’être supprimé a donné un caractère assez théorique à son annulation.

S’agissant de Parcoursup qui nous intéresse en l’espèce, il est à peu près certain que si le Conseil d’Etat avait accepté de se prononcer, il aurait suspendu l’exécution de la décision de créer Parcoursup. En effet, cette décision, qui instaure la sélection, a été prise avant que la loi du 8 mars 2018 ne l’autorise. Dès lors, à la date de lancement de Parcoursup le 22 janvier 2018, l’ancien texte de l’article L. 612-3 du code de l’éducation interdisait toujours la sélection comme l’a récemment rappelé le Conseil d’Etat.

De la sorte, une nouvelle fois, le Conseil d’Etat renverra – comme il l’a fait pour APB – aux juridictions du fond le soin de se prononcer sur la légalité de ce système à l’occasion des recours formés contre les refus d’admission en première année (qui ne manqueront pas d’être, à nouveau, intentés cette année).

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Les sursis à statuer en matière d’urbanisme et la répartition des compétences en Nouvelle-Calédonie

Le 12/03/2018

Par un avis n° 410805 du 8 novembre 2017, le Conseil d’Etat estime que les dispositions de l’article PS. 112-14 du code de l’urbanisme néo-calédonien (applicable à la province Sud) – qui prévoient que le délai de confirmation de la demande à la suite d’un sursis à statuer est inopposable s’il n’a pas été mentionné – sont illégales.

Il convient de rappeler que les règles d’urbanisme néo-calédoniennes ont été récemment réformées, que ce soit celles applicables à l’ensemble du territoire que dans celles, plus spécifiques, applicables en province Sud et en province Nord.

Au terme de cette réforme, l’article R. 112-2 du code de l’urbanisme de Nouvelle-Calédonie prévoit que les décisions de sursis à statuer, opposés à des demandes d’autorisation d’urbanisme du fait de l’élaboration d’un plan d’urbanisme directeur, doivent être motivées et ne peuvent excéder deux ans. Le texte indique également que la demande initiale peut être confirmée dans un délai de deux mois après l’expiration du sursis.

Cette règle n’a, en soi, rien d’original puisqu’il s’agit d’une simple transposition de la règle applicable en métropole.

Néanmoins, au-delà de cet article en « R. » (compétence réglementaire du territoire), l’article PS. 112-14 du même code (la référence « PS. » indique que cet article a été adopté par la province Sud dans le cadre de l’exercice de ses compétences) apporte deux précisions et limites à cet article.

En effet, il indique :

  • D’une part, que la décision de sursis doit rappeler le délai de confirmation de deux mois visé à l’article R. 112-2 du code de l’urbanisme de Nouvelle-Calédonie.
  • D’autre part, qu’à défaut de mention de ce délai, aucun délai n’est opposable (de sorte que la demande peut être confirmée au-delà de deux mois).

La première règle vise à informer les demandeurs de la règle. Et la seconde est imposée pour contraindre les communes à bien indiquer cette information dans les décisions de sursis.

C’est cette seconde règle dont les juridictions administratives ont été saisies et qui a donné lieu à l’avis du Conseil d’Etat. En effet, cette règle a été contestée, non pas pour son contenu – qui semble difficilement discutable sur le plan de la légalité – mais sur la compétence de la province Sud pour édicter une telle règle.

Plus précisément, la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 qui répartit les compétences entre l’Etat, le territoire de la Nouvelle-Calédonie et les autres collectivités territoriales prévoit en son article 22 que le territoire est compétent pour édicter les « principes directeurs du droit de l’urbanisme », les provinces étant compétentes pour le reste des règles applicables en matière d’urbanisme.

Ces « principes directeurs » n’étant pas définis par le texte, l’interprétation de ces termes n’est pas aisée.

Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion d’éclaircir quelque peu cette notion de « principes directeurs » (CE. SSR. Avis. 27 juillet 2012, M. Philippe B, n° 357824, mentionnée aux tables) de sorte que l’avis qui nous intéresse ici n’apporte rien sur le plan du droit. En effet, il rappelle que cette notion ne se confond pas avec :

  • Les principes constitutionnels,
  • Les principes relevant de l’article 34 de la Constitution (c'est-à-dire réservés au Parlement sur le plan national).

Les « principes directeurs » dépassent les principes législatifs et recouvrent donc également les principes posés, en métropole, par le règlement.

Ces principes sont très larges et concernent le fond et la procédure. De plus, leur champ est également extensif puisqu’ils recouvrent : l’encadrement des atteintes au droit de propriété, la détermination des compétences et la garantie de la cohésion territoriale.

Cette définition restant assez théorique, le Conseil d’Etat donne, dans l’avis commenté et l’avis M. Philippe B, différents exemples :

  • Les règles générales relatives à l’utilisation du sol,
  • Les règles relatives aux documents d’urbanisme,
  • Les règles relatives aux procédures d’aménagement et au droit de préemption,
  • Les règles relatives à la détermination des autorités compétentes pour élaborer et approuver les documents d’urbanisme, conduire les procédures d’aménagement, délivrer les autorisations d’urbanisme et exercer le droit de préemption.

L’on constate donc qu’autrement dit, les « principes directeurs » recouvrent peu ou prou toutes les règles de fond et les règles de compétence.

Au vu cet état du droit, le Conseil d’Etat estime que la règle selon laquelle si le délai de confirmation de la demande (deux mois à l’expiration du sursis) n’est pas mentionné dans la décision de sursis à statuer, alors il est inopposable, relevait des « principes directeurs ».

Cette position apparaît logique puisque les règles générales de procédure relatives à la délivrance des permis de construire (et notamment aux sursis à statuer) touchent à « l’encadrement des atteintes au droit de propriété » qui relève de la compétence du territoire.

En outre, une autre considération, plus pratique, de cette solution (évoquée par le rapporteur public, Aurélie Bretonneau, dans ses conclusions) est qu’une telle règle doit s’appliquer indifféremment sur l’ensemble du territoire néo-calédonien. Il serait en effet, dommageable, pour les demandeurs (et pour la cohérence générale du système) que de telles règles soient différentes en province Sud et province Nord.

Dès lors, quand bien même la règle en cause est empreinte de logique, elle n’a pas été adoptée par une autorité compétente et ne sera donc pas opposable. Cela signifie donc – en pratique – que même si le délai de confirmation n’a pas été mentionné dans la décision de sursis à statuer, il sera opposable au demandeur.

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La circulaire APB est illégale

Le 29/01/2018

Par une décision n°  410561 du 22 décembre 2017, le Conseil d’Etat fait droit au recours des associations SOS Education, Promotion et défense des étudiants et  Droits des lycéens, dirigé contre la circulaire du 24 avril 2017 ou circulaire « APB ». En effet, la Haute juridiction considère que cette circulaire est illégale au motif qu’elle conduit à la mise en oeuvre d’un tirage au sort trop fréquent dans les filières dites « en tension ».

Avant d’évoquer plus en détail le contenu de cette décision, il est nécessaire de rappeler le contexte juridique (voir la saga juridique) dans lequel s’inscrit cette décision relative au système APB, qui devrait être le point final de cette série de décisions – du moins jusqu’au le début de la saga Parcoursup qui commencera à n’en point douter en juin prochain.

1. En effet, la décision du Conseil d’Etat a été prise dans le contexte juridique délicat des inscriptions en première année à l’université qui a donné lieu à de nombreuses décisions de justice ces dernières années. Plus précisément, au cours des dernières rentrées universitaires, de nombreux candidats-étudiants à la première année de licence se sont vu refuser toute inscription à l’issue de la procédure APB. Face à cette année « blanche », certains d’entre eux ont saisi les juridictions administratives de recours contre ces refus.

A l’occasion de ces recours, et avec l’aide d’associations d’étudiants, il est apparu que l’algorithme d’affectation APB avait été « enrichi » d’un tirage au sort permettant de départager les étudiants. Or, cette méthode a été censurée par le juge administratif pour son absence de base légale (voir, par exemple, en ce sens : TA Bordeaux, 16 juin 2016, n° 1504236).

Pour tenter de pallier cette carence, le gouvernement a adopté, dans l’urgence, une circulaire n° 2017-077 du 24 avril 2017 afin de donner un début de base légale à ce système etr tenter de limiter le nombre de contentieux (voir l’article : quel effet pour la circulaire « APB » ?). Un recours en référé a alors été formé par plusieurs associations contre cette circulaire devant le Conseil d’Etat. Toutefois, par une ordonnance du 2 juin 2017, ce dernier a rejeté le recours, estimant que la condition d’urgence pour qu’il se prononce n’était pas remplie.

Cependant, des juridictions du fond se sont prononcées à l’occasion de refus d’admission opposés à des candidats à la première année. Tel est notamment le cas du tribunal administratif de Bordeaux qui a estimé, par trois ordonnances du 21 septembre 2017, que la circulaire APB était illégale dès lors qu’elle introduisait un quatrième critère de départage des candidats (à travers le tirage au sort) en plus des trois critères textuels déjà prévus.

Depuis lors, une réforme profonde de l’entrée à l’université a été décidée par le gouvernement instaurant – en pratique – un début de sélection pour l’accès à la première année. Bien que cette réforme ne soit pas encore adoptée, la plate-forme Parcoursup a déjà été mise en place.

Ainsi, cette nouvelle plate-forme et les nouvelles règles rendent caducs les débats relatifs à la procédure APB. Néanmoins, il est intéressant de rester attentifs aux décisions rendues à propos d’APB, lesquelles restent riches d’enseignements.

2. C’est donc dans ce contexte que, par la décision du 22 décembre 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité de la circulaire APB. Les enseignements de cette décision sont nombreux en matière de droit de l’éducation et, notamment, à propos de l’utilisation du tirage au sort comme mode de départage des candidats.

● En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle dans cette décision que l’article L. 612-3 du code de l’éducation établit, en principe, un droit pour les candidats à la première année d’être inscrit dans l’université de leur choix dans leur académie. Ainsi, la Haute juridiction reconnaît qu’il existe bien un libre choix de la filière et de l’université en première année (dans son académie d’origine). Jusqu’ici, le Conseil d’Etat ne paraissait pas l’avoir reconnu aussi clairement. C’est désormais chose faite.

Néanmoins, il rappelle également la limite de ce principe, à savoir les hypothèses dans lesquelles le nombre de candidatures dépasse le nombre de places. La Haute juridiction souligne que dans ce cas, l’article L. 612-3 du code de l’éducation prévoit trois critères de classement (domicile, préférences du candidat, situation familiale).

● En deuxième lieu, le Conseil d’Etat précise que ces dispositions, qui donnent compétence au ministre pour préciser les modalités de mise en œuvre de ces critères, lui donnent également compétence pour fixer les règles de départage des étudiants si les trois critères ne suffisent pas à le permettre. Ainsi, la Haute juridiction consacre expressément une possibilité pour le ministre d’aller un peu plus loin que les trois critères.

Elle précise également que ce départage peut se faire par tirage au sort. Dès lors, le Conseil d’Etat confirme que le tirage au sort n’est pas, en soi, une technique illégale. C’est ce qu’il avait déjà pu juger implicitement par le passé (CE. SSR. 5 novembre 2001, Ministre de l’éducation, n° 215351, mentionnée aux tables). Cependant, le Conseil d’Etat apporte une limite à ce principe en indiquant que le tirage ne peut intervenir qu’à titre « exceptionnel » afin de respecter le caractère limitatif des critères énoncés par l’article L. 612-3 du code de l’éducation.

Autrement dit, le tirage au sort ne pose pas de difficulté de principe au Conseil d’Etat. Mais il ne peut être utilisé qu’avec parcimonie et ne peut pas constituer une méthode générale de sélection, faute de quoi, le tirage au sort deviendrait un réel critère de sélection, non-prévu par le code de l’éducation.

Dès lors, le ministre doit fixer les modalités des trois critères de telle sorte qu’un départage soit exceptionnel.

● En troisième lieu, appliquant ces principes à la circulaire, le Conseil d’Etat considère qu’ils ont été méconnus. En effet, il relève que le tirage au sort a été appliqué dans un nombre important de filières « en tension ». Il en déduit donc que les modalités de mise en œuvre des trois critères, prévues par la circulaire, ne permettent pas de garantir qu’un départage n’aura lieu qu’à titre exceptionnel. Dans ces conditions, il considère que la circulaire méconnaît l’article L. 612-3 du code de l’éducation.

Cette position est intéressante à plusieurs titres :

  • Tout d’abord, le Conseil d’Etat ne censure pas l’utilisation du tirage au sort mais les modalités de mise en œuvre des trois critères précédant ce tirage au sort. En effet, ce qu’il reproche au ministre, c’est de ne pas avoir trouvé des modalités d’application des trois critères permettant de faire en sorte que le tirage au sort soit utilisé de manière exceptionnelle.
  • Ensuite, d’un point de vue contentieux, la méthode utilisée par la Haute juridiction est peu orthodoxe puisqu’elle se fonde sur l’application pratique de la circulaire pour en déduire qu’elle est illégale. En effet, c’est en constant que de nombreuses filières en tension ont fait l’objet d’un tirage au sort que le Conseil d’Etat estime que ce tirage au sort n’est pas exceptionnel et donc illégal. Il prend ainsi en compte des éléments postérieurs à l’émission de la circulaire pour juger de sa légalité méthode qui en principe ne peut être utilisée dans un contentieux d’excès de pouvoir).
  • Enfin, le Conseil d’Etat fait application de la jurisprudence AC ! (CE. Ass. 11 mai 2004, Association AC !, n° 255886, publiée au Recueil) en modulant les effets de l’annulation de la circulaire en les limitant à l’avenir. Autrement dit, les inscriptions et refus d’inscription opposés sur le fondement de la circulaire demeurent légaux (sous réserves des décisions d’inscription ou de refus d’inscription qui ont fait l’objet d’un recours à la date de la décision du Conseil d’Etat).

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Une seconde demande s'asile ne justifie pas nécessairement le retrait des conditions matérielles d'accueil

Le 22/01/2018

Par une ordonnance n° 415132 du 9 novembre 2017, le juge des référés de Conseil d’Etat fournit une méthode claire et précise pour déterminer le sort des allocations versées à un demandeur d’asile lorsque l’administration s’aperçoit qu’il a formé plusieurs demandes d’asile.

Dans cette affaire de référé, jugée en appel par le Conseil d’Etat, le demandeur avait sollicité l’octroi du statut de réfugié le 10 octobre 2016 auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine. L’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) l’avait donc fait bénéficier des conditions matérielles d’accueil prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers.

Toutefois, il est apparu que postérieurement, l’intéressé avait déposé une nouvelle demande d’asile auprès de la préfecture de la Moselle. L’OFFI, informé de cette double demande, avait immédiatement interrompu le paiement des allocations versées à M. M'hamed B et sollicité le remboursement de l’ensemble des sommes perçues, au motif que le demandeur avait fourni des informations inexactes sur sa situation familiale.

Ce raisonnement, censuré par le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, est confirmé par le juge des référés du Conseil d’Etat dans l’ordonnance commentée. Il donne dans cette ordonnance – mentionnée aux tables – une méthodologie à l’attention de l’OFFI pour déterminer les conséquences à faire produire au constat de demandes multiples de la part d’un demandeur d’asile.

1. D’une part, il rappelle que les dispositions de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, qui permettent de retirer les conditions matérielles d’accueil, peuvent être mises en œuvre lorsque le demandeur a fourni des informations erronées mais uniquement lorsque ces informations erronées lui permettent de bénéficier indûment d’allocations. Autrement dit, toute information erronée n’entraîne pas le retrait des conditions matérielles d’accueil, il est nécessaire que cette information erronée ait des conséquences sur le bénéfice des allocations (leur montant par exemple).

2. D’autre part, il évoque plus spécifiquement l’hypothèse dans laquelle le demandeur d’asile effectue une seconde demande après avoir bénéficié des conditions matérielles d’accueil au titre de la première demande. Le juge précise les effets de cette seconde demande frauduleuse :

♦ Elle implique le remboursement des aides versées au titre de cette seconde demande,

♦ Concernant les aides versées au titre de la première demande, il convient de distinguer selon que le demandeur a fourni ou non des informations inexactes (ayant des conséquences sur le montant des allocations versées) :

  • Si les informations fournies sont exactes, les conditions matérielles d’accueil doivent être maintenues.
  • Si les informations fournies sont inexactes, les conditions matérielles d’accueil doivent être retirées.

Au vu de cette grille de lecture, le juge des référés confirme la position du juge des référés du tribunal administratif de Versailles, qui avait considéré que la seconde demande (frauduleuse) ne justifiait pas le retrait des allocations versées au titre de la première demande.

De la sorte, le Conseil d’Etat établit une distinction marquée entre les différentes demandes d’asile que peut effectuer un demandeur : si les allocations octroyées au titre d’une première demande sont justifiées, elles doivent être maintenues jusqu’au terme de cette procédure de demande, quand bien même d’autres demandes d’asile frauduleuses auraient été déposées postérieurement.

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Précisions sur les cas d'exclusion du statut de réfugié

Le 15/01/2018

Par une décision n° 403454 du 4 décembre 2017, le Conseil d’Etat vient préciser la notion de personnes exclues du statut de réfugié, du fait de raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis des crimes ou agissements condamnés par la Convention de Genève.

Plus précisément, était en cause l’application de l’article 1er F de la Convention de Genève qui dresse une liste des personnes exclues du bénéfice de cette Convention (et donc du statut de réfugié). Trois hypothèses sont envisagées par cet article, à savoir les personnes pour lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser :

  • Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité,
  • Qu’elles ont commis un grave crime de droit commun,
  • Qu’elles ont eu des agissements contraires aux buts et principes des Nations unies.

Dans cette affaire, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) avait considéré qu’il convenait, pour exclure un demandeur du statut de réfugié, d’établir sa responsabilité personnelle et consciente aux crimes et agissements évoqués ci-dessus.

Autrement dit, la CNDA avait retenu une interprétation restrictive des « raisons sérieuses » selon laquelle pour exclure un demandeur du statut, il convenait de disposer d’éléments concrets sur la participation personnelle et consciente de la personne concernée.

Toutefois, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement pour erreur de droit et adopte, à l’inverse, une interprétation souple des « raisons sérieuses ».

En effet, il considère que la responsabilité ne peut être déduite des seuls éléments de contexte mais estime qu’il n’est pas nécessaire d’établir des faits précis caractérisant l’implication de l’intéressé dans les crimes ou agissements visés par la Convention.

Dès lors, il n’est plus nécessaire de rechercher si le demandeur à une responsabilité personnelle et consciente dans les crimes perpétrés. Cette interprétation des « raisons sérieuses » étend donc substantiellement le champ de l’exclusion par rapport à la lecture retenue par la CNDA.

Cette position appelle deux remarques.

D’une part, en pratique, la distinction instaurée par le Conseil d’Etat apparaît difficile à mettre en œuvre dans la mesure où la différence entre de simples « éléments de contexte » et l’absence d’établissement de « faits précis caractérisant l’implication de l’intéressé » dans les crimes et agissements visés par la Convention est ténue. En effet, s’il n’est pas nécessaire d’établir des faits, c’est bien que l’on doit uniquement se référer à des éléments de contexte.

Sans doute faut-il en déduire que les éléments de contexte sur lesquels doivent se fonder l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la CNDA pour mettre en œuvre l’exclusion prévue à l’article 1er F de la Convention ne peuvent être simplement généraux mais doivent être précis, tels que l’appartenance à certains régiments ou unités, qui se sont rendus responsables de crimes réprimés par la Convention.

D’autre part, la divergence d’interprétation entre le Conseil d’Etat et la CNDA n’est pas nouvelle. Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de censurer le 24 juin 2015, une décision de la CNDA au motif que cette dernière avait considéré que des articles de presse n’étaient pas suffisants pour établir la participation d’un demandeur à des opérations terroristes, en l’absence de pièces judiciaires. En effet, il avait estimé que les stipulations de la Convention exigeaient seulement des raisons sérieuses de penser que le demandeur s’était rendu coupable de tels agissements. Dans ces conditions, par la décision commentée, le Conseil d’Etat réitère ce raisonnement en formation plus solennelle (chambres réunies) par une décision mentionnée aux tables.

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Jurisprudence Danthony et recours à un expert par l'organisme consulté

Le 02/01/2018

Par une décision n° 410381 du 20 décembre 2017 « Syndicat national des agents des douanes-CGT », le Conseil d’Etat rappelle, sur le fondement d’une jurisprudence bien établie que l’administration peut saisir un organisme consultatif alors qu’elle n’y est pas tenue avant de prendre une décision, mais qu’elle doit, dans cette hypothèse, consulter cet organisme de manière régulière (voir, par exemple, en ce sens : CE. Ass. 18 avril 1980, Syndicat national de l’enseignement supérieur FEN, n° 09102, publiée au Recueil). Après ce rappel de principe, la Haute juridiction estime qu’en l’espèce l’avis consultatif non-obligatoire rendu au ministre par le CHSCT était irrégulier, celui-ci ayant été donné alors qu’un avis de l’inspection du travail avait été demandé – conformément aux dispositions applicables au CHSCT – pour éclairer le CHSCT. Le Conseil d’Etat précise en effet que le recours à cet expert était une garantie et que son avis pouvait exercer une influence sur le sens de la décision attaquée (CE. Ass. 23 décembre 2011, M. Danthony et autres, n° 335033, publiée au Recueil).

L’affaire soumise au Conseil d’Etat portait, plus précisément, sur la fermeture d’un bureau des douanes par le ministère de l’économie dans la cadre de la réorganisation de ses services. Avant de procéder à cette fermeture, le ministre de l’économie avait décidé de saisir le CHSCT.

La Haute juridiction précise d’emblée que cette consultation n’était pas obligatoire, seul le comité technique ayant à être obligatoirement consulté sur ce type de question. Toutefois, cette précision n’a pas d’incidence en l’espèce dans la mesure où, comme le rappelle le Conseil d’Etat, une consultation, même réalisée volontairement et sans obligation, doit respecter les règles de consultation de l’organisme consulté (CE. Ass. 18 avril 1980, Syndicat national de l’enseignement supérieur FEN, n° 09102, publiée au Recueil).

Or, au cas présent, face au désaccord persistant entre l’administration et le CHSCT, l’administration avait décidé de saisir l’inspection du travail pour qu’elle rende un avis sur ce « désaccord sérieux et persistant », comme le permet l’article 5-5 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif au CHSCT.

Néanmoins, sans attendre le résultat de cette expertise de l’inspection du travail, l’administration décida de faire procéder au vote du CHSCT sur cette question. A la suite de cet avis (auquel les représentants de personnel avaient refusé de participer), l’administration décida de fermer le bureau des douanes litigieux, sans attendre, une nouvelle fois, le rapport de l’inspection du travail.

Le Conseil d’Etat considère dans la décision du 20 décembre 2017 que l’avis rendu par le CHSCT était irrégulier, ce dernier n’ayant « pas disposé des éléments suffisants pour permettre sa consultation ». Autrement dit, l’information des membres du CHSCT n’était pas suffisante pour que ce dernier puisse rendre un avis éclairé, en l’absence du rapport de l’inspection du travail, lequel constitue une garantie et peut avoir une influence sur le sens de la décision attaquée.

Dès lors, et du fait de l’irrégularité de l’avis, la décision du ministre supprimant le bureau des douanes litigieux était elle-même illégale.

Par conséquent, c’est une illégalité en cascade qui, malgré les évolutions introduites par la jurisprudence Danthony, conduit à l’annulation de l’arrêté du ministre. En effet, l’organisme consulté n’ayant pas lui-même pu consulter l’avis de l’organisme qu’il pouvait saisir, il ne pouvait légalement rendre l’avis qui lui était demandé. Dans ces conditions, et même si l’avis du CHSCT n’était pas obligatoire en l’espèce et avait bien été rendu, cet avis était irrégulier et entachait d’illégalité la décision attaquée.

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Un agent, muté d’office dans l’intérêt du service, n’a pas à connaître le lieu de cette affectation

Le 08/12/2017

Par une décision n° 402103 du 8 novembre 2017, le Conseil d’Etat considère qu’un agent muté dans l’intérêt du service, s’il doit être mis à même de présenter ses observations avant l’émission de la décision, n’a pas à être informé du lieu sur lequel sa mutation est envisagée.

Dans cette affaire, était en cause un agent qui, à l’issue d’une exclusion temporaire disciplinaire, n’avait pas été réintégré, dans l’intérêt du service, sur son poste mais dans un autre établissement de son administration. En effet, le déplacement d’office de l’agent ne présentait pas – en l’espèce – un caractère disciplinaire, le déplacement visant, non pas à sanctionner l’agent, mais à prévenir les éventuels troubles que pourrait susciter son retour à l’issue de son exclusion.

Dans ce type d’hypothèse, l’agent doit être mis à même, avant l’émission de la décision, de demander son dossier et de présenter ses éventuelles observations sur la décision à intervenir. En effet, même si le changement d’affectation ne présente pas un caractère disciplinaire, l’agent dispose de ces garanties anciennes, fixées par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905.

Il convient de souligner que l’agent doit être « mis à même » d’exercer ces garanties. Autrement dit, il n’a pas à être invité à le faire mais doit cependant disposer d’un délai entre l’annonce de ce que la décision de mutation va être prise et l’intervention effective de cette décision (CE. Sect. 23 juin 1967, M. Mirambeau, n° 55068, publiée au Recueil ; CE. SSR. 14 mai 1986, Syndicat national des cadres hospitaliers CGT-FO, 60852, mentionnée aux tables ; ou plus récemment : CAA Lyon, 28 juin 2011, Mme Virginie X, n° 10LY01394). Ce délai le met donc à même – selon la jurisprudence – de demander son dossier et de faire valoir ses observations, bien qu’il n’y ait pas été invité.

Au cas présent, la cour administrative d’appel de Marseille avait considéré (CAA Marseille, 24 mai 2016, n° 14MA04315) que ces garanties n’avaient pas été respectées dans la mesure où l’agent n’avait pas été informé de l’établissement dans lequel il allait être déplacé, de sorte qu’il n’avait pas été mis à même de présenter ses observations.

Cette position, empreinte de logique, consiste à considérer que si l’agent ne connaît pas le site sur lequel il sera muté (à un kilomètre de son lieu de travail initial ou à l’autre bout de la France), alors il n’est pas à même de présenter utilement ses observations.

Toutefois, telle n’est pas la solution retenue par le Conseil d’Etat dans la décision commentée, rendue à la suite du pourvoi formé par La Poste contre l’arrêt de la cour annulant la mutation qu’elle avait décidée.

En effet, la Haute juridiction considère que la cour a commis une erreur de droit et que l’agent n’avait pas à être informé du lieu précis de son changement d’affectation pour faire valoir utilement ses observations.

Cette solution est regrettable car si, juridiquement, une mesure de mutation d’office dans l’intérêt du service est la même quel que soit le nouveau lieu d’affectation, de sorte que l’agent peut présenter des observations sur le principe de la mutation, il n’en demeure pas moins que, pratiquement, la mutation dans un établissement situé dans la même ville ou à des centaines de kilomètres du lieu initial de travail n’est pas la même chose.

Aussi, pour donner un effet utile aux observations de l’agent, il aurait été préférable d’imposer à l’administration d’indiquer le lieu d’affectation envisagé.

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Le vol de 200 ouvrages justifie l’exclusion définitive d’un étudiant du système universitaire

Le 01/12/2017

Par une décision n° 393269 du 6 novembre 2017, le Conseil d’Etat considère que le vol de plus de 200 ouvrages par un étudiant dans une bibliothèque universitaire justifie son exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur.

Dans cette affaire, soumise en cassation au Conseil d’Etat à la suite d’une décision du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, était en cause un étudiant, accusé par son université d’avoir fait disparaître sur une période de 5 mois plus de 200 ouvrages de la bibliothèque universitaire.

En effet, pour justifier ces accusations, l’université se basait sur un faisceau d’indices :

  • Que l’étudiant était le dernier emprunteur des ouvrages ayant disparu,
  • Que les quelques ouvrages rapportés par l’intéressé à la suite de relances étaient endommagés, leur puce électronique ayant été arrachée puis recollée.

Ces éléments faisaient présumer que l’étudiant avait dérobé les ouvrages en procédant à des restitutions fictives par le passage des puces, décollées des ouvrages, devant les dispositifs de retour.

Aussi, la section disciplinaire de l’université avait sanctionné cet étudiant par une exclusion définitive de tout établissement universitaire. Saisi en appel de cette décision, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche avait toutefois estimé que ces éléments n’établissaient pas la réalité des accusations.

Un pourvoi a alors été formé par l’université devant le Conseil d’Etat.

Ce dernier, exerçant son contrôle de cassation, juge que le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a dénaturé les pièces dossier en annulant la sanction.

Réglant l’affaire au fond comme juge du plein contentieux (CE. Ass. 16 février 2009, Société ATOM, n° 274000, publiée au Recueil) la Haute juridiction estime que les éléments étaient suffisants, en l’absence d’explications de l’étudiant, pour regarder les faits comme établis et pour le sanctionner.

Dès lors, et implicitement, le Conseil d’Etat considère que cette sanction (la plus grave de toutes les sanctions prévues par les articles L. 811-6 et R. 811-11 du code de l’éducation) était justifiée.

En effet, l’article R. 811-11 dresse une liste des sanctions dans un ordre croissant de gravité allant de la plus légère (l’avertissement) à la plus lourde (l’exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur).

L’exclusion définitive du système universitaire est donc rarement appliquée puisqu’elle concerne uniquement les faits les plus graves. Le cas soumis au Conseil d’Etat donne donc un exemple d’application de cette sanction.

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Entrée à l’université : les contours encore flous de la réforme

Le 03/11/2017

Lors d’une conférence de presse du 30 novembre dernier, le Premier ministre et la ministre de l’enseignement supérieur ont présenté les contours de la future réforme de l’accès à l’université.

Plusieurs axes ont été présentés conduisant – en principe – à la disparition de l’algorithme APB.

En effet, plusieurs changements d’importances ont été décidés pour l’accès aux filières « non sélectives » de l’université :

  • Un avis du conseil de classe de terminale sera donné sur les choix de formation effectués par le lycéen, qui devra donc les annoncer dès le début de l’année de terminale.
  • La nouvelle application d’affectation sera créée en permettant de déposer moins de candidatures qu’actuellement (limitées à 10 au lieu de 24) qui ne feront l’objet d’aucun classement entre elles et qui seront toutes examinées par les universités.
  • Les universités ne seront plus limitées à un choix binaire entre acceptation et refus mais pourront également accepter sous condition les futurs étudiants (proposition d’un parcours personnalisé, préparation intégrée, etc.) ou les mettre sur liste d’attente.
  • Une commission sera créée en faisant participer le rectorat, les universités et les lycées pour trouver des propositions d’affectation aux étudiants ne disposant pas de réponses positives, à l’instar de ce qui a été créé récemment pour l’accès en master 1.

Néanmoins, ces axes demeurent flous dans la mesure où la portée de l’avis du conseil de classe n’est pas encore fixée avec précision et où, surtout, les critères de décision des universités quant à la réponse à donner au futur étudiant sont également à déterminer, notamment l’importance des « prérequis » qui a animé les débats de la consultation sur la réforme de l’accès à l’université.

Il est cependant certain que la philosophie du système actuel va être profondément modifiée puisque les futurs étudiants seront encadrés et contrôlés dans leurs choix par le lycée et l’université (même si le degré de cet encadrement est encore à déterminer) alors que jusqu’ici, les élèves étaient parfaitement libres de leurs choix pour les filières universitaires non sélectives. Il en découlera nécessairement une forme de sélection pour les filières pourtant qualifiées de « non sélectives » avec les avantages et inconvénients qui vont avec.

Restera donc à voir quelles seront les solutions finalement retenues par les textes qui seront adoptés dans les prochains mois, lesquels permettront seuls de déterminer l’ampleur des changements à attendre et de la sélection à partir de l’an prochain.

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La suspension d’un fonctionnaire, même légale, peut engager la responsabilité de l’administration

Le 16/10/2017

Par une décision n° 390424 du 8 juin 2017, le Conseil d’Etat considère que la suspension d’un chirurgien, pendant huit ans, engage la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’égalité devant les charges publiques.

Il est désormais établi de longue date qu’un acte administratif, même légal, peut engager la responsabilité des personnes publiques au titre de l’égalité devant les charges publiques si cet acte légal crée un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme incombant normalement au requérant (CE, 30 novembre 1923, Couitéas, Rec. 789). Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat applique ce principe ancien au cas de la suspension d’un agent public pendant une durée extrêmement longue eu égard aux conséquences de cette décision.

En effet, dans cette affaire, était en cause la suspension conservatoire d’un fonctionnaire de l’administration hospitalière, et plus précisément un chirurgien, pendant une durée de huit ans.

Ce médecin, ayant été accusé d’homicide involontaire dans le cadre d’un rapport de l’agence régionale d’hospitalisation, a fait l’objet d’une procédure pénale et d’une suspension administrative. La procédure pénale ayant duré huit ans (entre la mise en examen et l’arrêt de relaxe), la suspension a été maintenue dans l’intervalle.

Cette suspension était parfaitement légale comme l’a jugé la cour administrative d’appel dans la mesure où un agent peut être suspendu, à titre conservatoire, s’il est gravement soupçonné d’avoir commis une faute disciplinaire. Si cette faute est liée à une infraction pénale, il est possible de maintenir la suspension pendant toute la durée de la procédure pénale.

Voir, sur le régime de la suspension : La suspension dans la fonction publique, La suspension dans la fonction publique de Nouvelle-Calédonie.

Néanmoins, le Conseil d’Etat considère que la responsabilité sans faute de l’Etat (donc sans illégalité) est engagée dans la mesure où ce praticien n’a pas exercé pendant huit ans, de sorte qu’il a subi « une diminution difficilement remédiable de ses compétences chirurgicales, compromettant ainsi la possibilité pour lui de reprendre un exercice professionnel en qualité de chirurgien ».

En effet, depuis le terme de sa suspension en 2009, l’agent n’a pas retrouvé de poste, l’absence de pratique pendant huit ans étant manifestement un frein à sa reprise d’activité dans un domaine aussi délicat que la chirurgie.

La Haute juridiction considère que ce préjudice grave ne peut être regardé comme « normal[…] » dans la mesure où le praticien n’a été sanctionné ni pénalement, ni disciplinairement.

Le Conseil d’Etat censure donc l’arrêt de la cour administrative d’appel en tant qu’il ne s’est pas prononcé sur le préjudice moral subi du fait de cette rupture dans l’égalité devant les charges publiques.

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Pour le tribunal administratif de Bordeaux, la circulaire APB ne règle rien

Le 09/10/2017

Par trois ordonnances (n° 1703771, 1703768, 1703763) du 21 septembre 2017, le juge de référés du tribunal administratif de Bordeaux a considéré que la circulaire APB ajoutait illégalement un critère d’affectation au texte de l’article L. 612-3 du code de l’éducation.

Cette nouvelle ordonnance, qui s’inscrit dans la saga judiciaire qui entoure l’inscription à l’université et, notamment, le tirage au sort effectué via l’application APB, peut donner de l’espoir aux étudiants ne disposant d’aucune affectation à ce jour.

En effet, par une circulaire du 24 avril 2017, le gouvernement a tenté de donner une assise « textuelle » au tirage au sort qui avait été jugé illégal à plusieurs reprises.

Un recours en référé avait été formé contre cette circulaire, lequel avait donné lieu à une décision de rejet par le Conseil d’Etat (voir le billet : Le Conseil d'Etat se prononce sur le référé contre la ciruclaire APB). La Haute juridiction avait considéré qu’il n’y avait pas urgence à ce qu’elle se prononce sur la légalité de cette circulaire et avait renvoyé à la formation de jugement au fond le soin de se prononcer sur la légalité de la circulaire.

Néanmoins, comme cela était probable, le moyen tiré de l’illégalité de la circulaire du 24 avril 2017 (circulaire APB) a été soulevé dans le cadre de référés relatifs à des refus d’admission en première année.

Or, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que le moyen tiré de ce que la circulaire avait illégalement ajouté un nouveau critère (le tirage au sort) aux critères posés par l’article L. 612-3 du code de l’éducation (à savoir le domicile, la situation de famille et les préférences du candidat) était sérieux.

Aussi, il suspend l’exécution de la décision du recteur refusant d’inscrire les requérants et enjoint à l’administration de faire procéder à l’inscription provisoire de ces derniers.

Ainsi, le tribunal estime en substance qu’il est douteux que la circulaire ait pu introduire un critère tiré du tirage au sort dans le cadre de l’affectation à l’université.

Si ce raisonnement n’est pas entièrement partagé par l’auteur de ces lignes (voir l'article : Quel effet pour la circulaire « APB » ?) il n’en demeure pas moins que le système APB est, avant comme après la circulaire, entaché de différentes illégalités, la question de l’assise textuelle du tirage au sort n’étant que l’une des nombreuses questions que pose l’affectation en première année.

Le Conseil d’Etat devrait être amené à se prononcer sur ces ordonnances du tribunal administratif de Bordeaux dans la mesure où la ministre de l’éducation nationale a indiqué qu’un pourvoi serait formé contre ces ordonnances. Cependant, eu égard au délai de jugement devant le Conseil d’Etat, la décision ne devrait pas être rendue avant la rentrée prochaine (sauf à ce que la Haute juridiction décide de se saisir de l’affaire plus tôt).

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Le Conseil d'Etat précise les hypothèses de péremption du permis de construire

Le 26/09/2017

Par une décision SCI La Bruyère n° 399405 du 10 mai 2017, les chambres réunies du Conseil d’Etat viennent clarifier l’articulation entre, d’une part, les différents délais de péremption des permis de construire et autres autorisations d’urbanisme (notamment les non-opposition à déclarations préalables) et, d’autre part, les dispositions successives intervenues dans ce domaine.

          Concernant l’articulation entre les différents cas de péremption

En effet, l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, qui traite de la péremption des permis de construire a été réécrit par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007.

Plus précisément, l’article R. 421-32 du code de l’urbanisme (issu de l’ancienne numérotation) indiquait avant cela :

« Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. […] ».

Depuis l’intervention du décret du 5 janvier 2007, ces dispositions (désormais codifiées à l’article R. 424-17) indiquent :

« Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans [trois ans, désormais] à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. […] ».

Ainsi, dans les nouvelles dispositions, les termes « passé ce délai » ont été introduits.

C’est donc principalement sur ce point que le Conseil d’Etat se prononce dans la décision du 10 mai 2017.

Sous l’empire des anciennes dispositions, il avait jugé que les délais de péremption pour absence de commencement des travaux et de péremption pour cessation des travaux pendant plus d’un an n’étaient pas exclusifs l’un de l’autre (CE. SSR. 8 novembre 2000, EURL Les maisons traditionnelles, n° 197505, publiée au Recueil). Autrement dit, le permis de construire pouvait être périmé dans trois hypothèses :

  • Si au bout de deux ans à compter de sa délivrance, les travaux n’avaient pas commencé,
  • Si dans ce délai de deux ans, les travaux étaient interrompus pendant plus d’un an,
  • Si passé ce délai de deux ans, les travaux étaient interrompus pendant plus d’un an.

L’apport de la décision susmentionnée est d’indiquer qu’au vu des dispositions précitées dans leur nouvelle rédaction, la deuxième occurrence de la péremption disparaît.

Plus simplement, cela signifie que désormais, il n’est pas tenu compte des éventuelles interruptions intervenues dans le délai de validité du permis de construire. Dès lors, à titre d’exemple, si les travaux démarrent dès l’octroi de l’autorisation, ils peuvent être interrompus quelques mois plus tard pendant plus d’un an et jusqu’au terme du délai de deux ans (devenu trois ans), sans que cela n’ait d’incidence sur la validité du permis de construire.

Le Conseil d’Etat précise dans la décision SCI La Bruyère que ce n’est que dans l’hypothèse où l’interruption se poursuit pendant plus d’un an à l’expiration du délai de deux ans (devenu trois ans) que le permis de construire est alors périmé.

Ainsi, le Conseil d’Etat effectue une lecture littérale des nouvelles dispositions de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, assez favorable au détenteur du permis de construire.

          Concernant l’articulation entre les dispositions successives

Dans la décision du 10 mai 2017, le Conseil d’Etat répond à une seconde question, relative à l’articulation entre les différentes dispositions applicables à la péremption des permis de construire.

Il rappelle en effet que l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme dans nouvelle rédaction (plus favorable) s’applique aux permis de construire en vigueur à la date du 1er octobre 2007 (article 26 dudit décret).

Cela signifie donc que ces dispositions nouvelles relatives à la péremption sont applicables aux permis de construire et autres autorisations d’urbanisme qui n’étaient pas périmées en vertu de l’ancienne réglementation à la date du 1er octobre 2007. Ainsi, ces dispositions trouvent à s’appliquer aux permis de construire délivrés à compter du 1er octobre 2005 et dont l’exécution n’avait pas été interrompue depuis plus d’un an dans l’intervalle.

De même, le Conseil d’Etat rappelle que le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 venant prolonger d’un an la durée de validité des permis de construire s’applique aux permis de construire qui étaient en vigueur au jour de sa publication (article 2 du décret).

C’est donc au vu de ces principes clarifiés qu’il convient désormais d’appréhender la péremption ou non des autorisations d’urbanisme.

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Date de dernière mise à jour : 18/03/2024